Carol : Un amour à la mauvaise époque

Avec plus de trente ans d’existence, le ciné répertoire regroupe plusieurs dizaines d’adeptes, tous les lundis soir, à Joliette. À l’hiver 2016, une douzaine de films sont au rendez-vous. Parmi ceux-ci figure Carol, un film réalisé par Todd Haynes qui ne tombera pas aux oubliettes de sitôt.

Scénariste et acteur américain Todd Haynes connait le succès grâce à ses réalisations plus avant-gardistes les unes que les autres. Au cours de sa carrière, il s’est mérité plusieurs prix et nominations, entre autres pour Loin du paradis, sorti en 2002, qui a reçu quatre nominations aux Oscars. Toutefois, sa plus grande réalisation demeure sa plus récente, son adaptation cinématographique du roman Carol de Patricia Highsmith, publié en 1952. Carol est en nomination dans plus de cinq catégories au Festival de Cannes ainsi qu’au Golden Globes pour la meilleure réalisation, et il était à l’affiche au ciné répertoire les 15 et 16 février derniers.

C’est au coeur de la grande ville de New York, dans les carolannées 1950, que s’anime l’histoire de deux femmes vivant dans des mondes complètement opposés. Mettant en vedette Cate Blanchett et Ronney Mara dans les rôles respectifs de Carol Aird, une bourgeoise sophistiquée, ainsi que Thérère Belivet, une jeune femme à l’âge de l’innocence, Carol présente une histoire d’amour éphémère entre deux femmes à une époque très conservatrice.

Opposition
Si Carol peut être décrit comme étant un drame amoureux de haute qualité, c’est sans aucun doute grâce au jeu des deux actrices. Chacune d’elle porte une personnalité qui la définit. Carol est une femme mariée, elle est dépourvue lorsqu’elle prend conscience de son attirance envers les femmes, alors que Thérèse est une femme qui se découvre, qui cherche à connaître de nouvelles choses, qui veut expérimenter la vie.

Le film Carol illustre donc une opposition émotive importante. D’un côté, un amour assumé d’une femme qui sait ce qu’elle veut, de l’autre, un amour innocent qui cherche encore à se définir. Ce contraste frappant vient accentuer le thème de la différence, puisque déjà, les deux amantes vivent dans une époque où les relations des personnes de même sexe détonnent.

Ressemblances
Le film Carol se trouve d’ailleurs en parfaite harmonie avec le film d’Abdellatif Kechiche, La vie d’Adèle chapitres 1 & 2, sorti dans les cinémas en octobre 2013.

Adèle, quinze ans, est une jeune femme qui a toujours cru qu’une fille sortait avec un garçon, point à la ligne. Toutefois, il n’a fallu qu’une rencontre, celle avec Emma, pour bouleverser son monde et sa vision de l’amour.

Bien que la tranche d’âge soit différente du film d’Haynes, une des plus grandes similitudes entre les deux films est qu’un des deux personnages de la relation se cherche, expérimente, tente de trouver qui il est. Thérèse et Adèle ont beaucoup en commun sur ce point, car toutes deux découvrent l’amour sous un nouvel angle.

De plus, les deux relations ne sont pas dévoilées au grand jour, mais soupçonnées par quelques-uns de leurs pairs. Dans la réalisation de Haynes, c’est l’époque qui se veut conservatrice, tandis que, dans celle de Kechiche, c’est l’entourage des filles, à l’école, qui fait qu’il est difficile d’assumer pleinement la relation.

Somme toute, Carol est un film provocateur, déchirant, mais surtout très touchant. Un film à apprécier pour sa grandeur et pour la pureté des sentiments qu’éprouvent les deux femmes l’une pour l’autre.

Par Amélie Robillard

D’Artagnan et les mousquetaires

Mettre l’histoire en mémoire

Les histoires font partie de notre quotidien. Il est facile de dire que le monde tourne autour d’histoires. Elles forgent les rêves des gens. Le théâtre est un moyen pour ces histoires de vivre à travers les comédiens et les interprétations. Le mardi, 16 février dernier, dans la salle Hector-Charland, la très célèbre œuvre d’Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, a transcendé les siècles pour, une fois de plus, prendre vie sur la scène.  

Adaptée par Frédéric Bélanger, la pièce, intitulée D’Artagnan et les trois mousquetaires, raconte le récit de l’arrivée rocambolesque de d’Artagnan à Paris. Il y fera la rencontre de trois braves mousquetaires, Athos, Aramis et Porthos. Ensemble, les quatre partenaires tenteront de contrer les plans du sinistre Cardinal de Richelieu et de deviner qui est la mystérieuse femme au service de ce dernier.

 

Entrer dans la foule

Au théâtre, l’interprétation de la pièce est très importante. La troupe Advienne que Pourra a décidé d’exploiter un aspect qui n’est pas souvent utilisé : le bris du 4e mur. Ainsi, les acteurs ont occupé non seulement l’espace scénique, mais également le reste de la salle, où se trouvait l’auditoire, permettant au public de dartagnan_111participer plus activement au spectacle. Donnant parfois un air dramatique au jeu, avec les apparitions des gardes du Cardinal un peu partout dans la salle, cette astuce a aussi su faire rire plusieurs spectateurs avec le personnage de Planchet et de ses fameux environs.

Cependant, bien qu’amusante et intéressante à exploiter, cette initiative n’est peut-être pas à utiliser n’importe quand. Il y a eu quelques débordements, certains comédiens sortant de leur personnage pour passer des remarques inutiles, bien que drôles. Cela donnait l’impression que la pièce avait été adaptée pour un public adolescent.

En ce qui a trait au jeu des acteurs, on note quelques faiblesses.

Le Cardinal de Richelieu, par exemple, est l’un des personnages les plus importants de cette histoire et doit dégager un air hautain pour être respecté de tous, par la peur qu’il inspire. Il est sans nul doute, dans l’histoire, l’homme le plus puissant de France. Cependant, bien que le comédien (Claude Tremblay) ait joué à merveille ce rôle, il est difficile de ne pas remarquer la petite taille de celui-ci, ce qui ne semble pas incarner très bien le personnage du Cardinal. Autre exemple, le personnage du duc de Buckingham comportait également quelques incohérences. Ce duc était le Premier ministre d’Angleterre, et le comédien qui jouait ce rôle utilisait parfois des expressions anglaises, mais, la plupart du temps, il avait un accent qui faisait plutôt français international. Il aurait fallu être cohérent dans l’interprétation du personnage, soit jouer toujours avec un accent anglais, soit sans accent.

Pour ce qui est du Roi Louis XIII, le comédien (Philippe Robert) interprétait sans difficultés l’un des plus anciens cas d’«enfant-roi»: un homme à qui la France revient de droit, mais qui ne possède aucune capacité à bien gouverner, préférant vivre dans l’enfance et piquer une crise si cela ne se passe pas comme il le souhaite. On peut d’ailleurs voir une différence entre la pièce montée par le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) et celle interprétée le 16 février à l’Assomption. Au TNM, le personnage du roi donnait aussi l’impression d’un enfant, cependant on y voyait un gamin enjoué et surexcité et non un enfant gâté. Dans les deux cas, une chose est claire : la France est aux mains d’un jeune homme immature.

De l’ombre à la lumière

Les autres aspects intéressants concernent la technique. Le jeu de lumière était important, il en disait long sur certains personnages et il était facile d’y voir des métaphores fort intéressantes. Lorsque la reine Anne entrait en scène, par exemple, l’éclairage était beaucoup plus prononcé, illuminait les planches. On peut y voir une signification de la bonté d’âme de la reine puisqu’elle était baignée dans la lumière. Au contraire de celle-ci, lorsque le Cardinal entrait, l’éclairage était plus sombre, tamisé même. Cela peut représenter la personnalité ténébreuse et dangereuse de l’homme qui tire les ficelles dans l’ombre.dartagnan_121

Un effet lumineux particulier était en lien avec Milady de Winter, comparse du Cardinal et condamnée à la peine de mort par les mousquetaires. À la fin, elle s’est avancée vers la lumière comme certains avancent vers leur mort, se résignant à accepter son sort. D’une certaine manière, sa mort montre aussi son passage de l’ombre à la lumière puisqu’à la fin, ses actes sont pardonnés par les mousquetaires.

D’Artagnan et les trois mousquetaires est une pièce qui a probablement comblé les attentes du public lors de la présentation au théâtre Hector-Charland. La troupe a su présenter à l’auditoire une interprétation agréable de cette histoire mythique pour le grand plaisir de tous. Dans un Québec contemporain, il est toujours plaisant de retourner aux sources de la littérature française qui a influencé la littérature québécoise. Il est aussi bon de se rappeler que ce sont les plus vieux écrits qui nous font le plus rêver. Revoir ce classique en tant qu’adulte est un peu comme retrouver cet enfant intérieur en nous qui se rappelle d’innombrables combats à l’épée.

La troupe de théâtre Advienne que Pourra aime particulièrement jouer de grands classiques. D’Artagnan et les trois mousquetaires en est un bon exemple.

 

Par Mei-Han St-Louis

Crédit photo: Juno photo

Pour en savoir plus sur la pièce : http://theatreaqp.com/2015/11/23/dartagnan-et-les-trois-mousquetaires/

Pour en savoir plus sur la troupe : http://theatreaqp.com/

 

Sèxe Illégal: succès non-assuré

Depuis 2009, Le Balthazar, un bar situé au cœur de Joliette, se démarque par sa grande variété de bières artisanales, son ambiance urbaine et ses constantes innovations. Ateliers de création, épicerie fine, dégustations de produits locaux, décidément, l’endroit a tout pour attirer une clientèle des plus diversifiées. De plus, Le Balthazar a intégré à son calendrier une gamme d’événements qui ont lieu en soirée, une semaine sur deux. On peut assister aux «Mardis jeux de société», aux «Dimanches d’impro» ou encore, aux «Mercredis de l’humour».24fev_fb

Le mercredi 24 février dernier, le bar accueillait le duo d’humoristes Sèxe Illégal, composé de Paul Sèxe et de Tony Légal, qui se sont donné pour mission de s’exprimer librement à travers la chanson. Les deux artistes à l’humour parfois provoquant, souvent insignifiant, ont offert une prestation plus ou moins divertissante.

Ambiance agréable

Les lumières tamisées et le côté intime de l’endroit créaient une atmosphère des plus agréables. La salle fut d’abord réchauffée par un jeune animateur et improvisateur, Jonathan Moreau-Cormier. Son numéro consistait à sélectionner quelques personnes dans l’assistance et à leur poser des questions, auxquelles il répondait par une réplique qui se voulait assassine. Sa courte prestation, quoiqu’un peu boiteuse, était une bonne introduction au spectacle de Sèxe Illégal.

Sitôt ce numéro terminé, les deux humoristes sont montés sur scène, vêtus de complets-cravates ringards et adoptant chacun un langage et une voix caricaturés. Alors qu’on pouvait les entendre marmonner entre eux, que le son de leurs micros et de leurs instruments n’étaient pas de bonne qualité, une panne d’électricité est survenue. Plutôt ironique! Le spectacle a dû se dérouler à la lueur des chandelles, sans micros et au son de la guitare acoustique. Contraints d’oublier leur musique électro, le duo s’est contenté d’interpréter plusieurs chansons tirées de leurs albums précédents, une collection qui en compte près d’une quinzaine.

Humour douteux

On a eu droit à une gamme de chansons, telles que Luc ou Bernard, Longueil calice, ou encore des reprises ironiques de succès populaires, comme Livin’ la vie d’holocauste, chantée sur l’air de Livin’ la vida loca, de Ricky Martin.  Les paroles, comiques et simples, ont réussi à accrocher des sourires et à susciter quelques rires. C’est toutefois le langage corporel absurde du duo qui volait la vedette, Tony Légal n’hésitant pas à déboutonner sa chemise et à danser d’une manière assumée et ridicule.si_header

Bien que le spectacle dans son ensemble ait été agréable, une faiblesse persistait : la monotonie. La recherche, autant au niveau des textes, de la musique que des chorégraphies, était incomplète. Tout était répétitif et rapidement lassant. Par exemple, la chanson Luc ou Bernard était constituée de trois couplets, dont deux composés ainsi : «Tu bandes mou, tu bandes mou, osti qu’tu bandes mou, tu bandes mou».

Malgré tout, la thématique instaurée par Le Balthazar demeure un succès, et ce à moindre coût. Dans une ville comme Joliette, les endroits qui offrent des activités diversifiées et qui rejoignent sur semaine un large public sont rares. Les événements tels les «Mercredis de l’humour» amènent une touche de dynamisme dans la région et ouvrent la porte à l’initiative et à la nouveauté.

Que l’on soit satisfait ou non du spectacle, la soirée, dans l’ensemble, ne peut qu’être plaisante.

 

Par Rosalie Généreux

Crédits photo: Le Balthazar de Joliette et L’Écho de la Rive-Nord