Le corps des bêtes: avant le langage

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018                        

                                  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre : Le corps des bêtes

Auteur : Audrée Wilhelmy est une écrivaine québécoise née à Cap-Rouge. Elle habite aujourd’hui à Montréal. Elle a terminé, en décembre 2015, un doctorat en Études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal. Elle se consacre désormais à l’écriture romanesque.

Son premier roman, Oss, publié en 2011, a été finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada. Son deuxième roman, Les Sangs, a été publié en 2013. L’ouvrage a lui aussi été finaliste au Prix des libraires du Québec. Son troisième roman, Le corps des bêtes, a été publié en 2017.

Résumé :  Le corps des bêtes raconte l’histoire de la famille Borya qui s’isole dans un phare sur le bord de la mer. En s’éloignant du village et de la population, les Borya perdent peu à peu leur morale, leur culture, leur langage, bref leur humanité, pour vivre comme des animaux. Mie, l’aînée des enfants, pour en savoir davantage sur la sexualité, s’introduit dans l’esprit des bêtes. Plus tard, elle demande à son oncle de lui apprendre le « sexe des humains ».

Propos: Le roman aborde le fait de redevenir une bête, de remonter le temps vers notre passé d’hommes des cavernes. L’auteure aborde l’inceste, la perte du langage, la vie de clan et la sensualité. Comme le titre le dit, l’oeuvre témoigne du rapport au corps et de la bestialité, deux thèmes intimement liés.

Points forts :

  •  Le corps des bêtes est une oeuvre longuement réfléchie et extrêmement travaillée. Elle démontre un véritable potentiel artistique.

    « Derrière les fenêtres, la mort s’effiloche en cheveux le long du continent. » (p.58)

  • Le thème de la bestialité est très bien exploité, créant une richesse autant dans le récit que dans le style.

    « Toujours, elle a emprunté le corps des bêtes – oiseaux et poissons, mammifères, insectes minuscules. » (p.39)

  • Le roman possède une richesse autant dans le récit que dans le style.

    « Les bateaux qui passent ont des mâts ou des hélices; les mots peints sur leur coque parlent d’un ailleurs inimaginable.» (p.32)

Points douloureux :

  •  Le vocabulaire utilisé par l’auteure est plutôt complexe.

    « Quand la migration se poursuit, elle cherche d’autres bêtes: loup, campagnol, colvert, lapin, rat musqué, buse, carcajou; tous en rut ou en pariade.» (p.53)

  • L’œuvre est très chargée en images, ce qui peut rendre la lecture ardue.

    «Elle balance son crâne vers son échine, son gosier se tend: le cri émerge sans effort, du ventre vers le ciel.»

  • Il est impossible de se situer dans le temps et cela crée une confusion pendant la lecture. D’un chapitre à un autre, on peut passer d’une époque à vingt ans plus tôt sans que cela soit bien indiqué.

    « Les sept premiers mois de sa vie, Mie les passe contre sa mère. (…) Mie a construit une image dans sa tête: ses habits en pile propre et son corps sous le drap. Elle a imaginé Osip découvrant le linge d’abord (…), la découvrant, elle, ensuite» (p.122 et p.130)

 

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Le projet de ce roman est réussi et est intéressant à analyser, surtout en ce qui a trait aux thèmes, symboles et références bibliques. Malgré les efforts de l’auteure, Le corps des bêtes n’est pas plaisant à lire. Cette œuvre est trop lourde, le lecteur doit souvent prendre des pauses. Pour ces raisons, nous ne croyons pas que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens.

Notre groupe attribue au livre une note 4.86/10

Citation préférée :

« Elle ne sait pas lire les mots. C’est une enquête menée en images et en symbole inventés.» 

 

PAR

Julianne Brochu
Julie-Ann Desmarais
Amélie Lessard
Laurie Vigneault

 

Crédits photo: https://vivavilla.info/artistes/audree-wilhelmy/ 

Royal : Ode à la puissance obsessionnelle


Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018

Titre : Royal

Auteur : Jean-Philippe Baril Guérard est un jeune Québécois qui aura 30 ans cette année. Il a suivi une formation en tant que comédien à l’école de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe et, après avoir gradué en 2009, il s’est consacré exclusivement à l’écriture et à la mise en scène. Son premier roman, Sports et Divertissements, est paru en 2014. Entre-temps, il a coécrit Les cicatrisés de Saint-Sauvignac avec Sarah Berthiaume, Simon Boulerice et Mathieu Handfield.

Résumé : Tu entres à l’université. Tu te retrouves dans l’enfer des études de droits. « Au moins tu arrives à conserver la carrosserie quand tout ce qui est sous le capot est en train de lâcher. » Dans ta course aux stages, tu gardes tes ennemis près de toi, très près de toi. Pour dépasser tes échecs, tu dois effacer toute trace de ton humanité. C’est ainsi que tu deviendras le meilleur dans… le meilleur tout court. «Bonne chance.»

Propos : L’intégralité du roman repose sur trois thèmes: l’ambition, la déshumanisation et la destruction. On y retrouve aussi les troubles liés à la performance scolaire et les impacts de ceux-ci sur toutes les sphères de la vie des étudiants.

Points forts :

  •  L’implication du lecteur dans l’histoire. La narration à la deuxième personne du singulier implique le lecteur dans le récit. Il se surprend à vouloir lui aussi réussir à tout prix et est déstabilisé quand les choses tournent mal.

« On était trois jours avant le premier examen des intras. T’étais focus : t’avais commencé à consommer ton Concerta nasalement, en lignes, plutôt qu’oralement. » (p.81, Royal)

  • Les dialogues sont accrocheurs et hyper réalistes. Ils rappellent les interactions qu’ont les jeunes adultes. Il y a une tension qui persiste tout au long de l’oeuvre et les dialogues ajoutent de la fluidité.

« -Deuxième, Cousin Fred dit.

-Chaude, tu dis.

-Un bon exemple de mauvaise décision, elle, justement.

-C’est vrai que c’est beaucoup, les seins.

-L’ensemble, en général, c’est beaucoup.

-T’as goûté?

-Oui.

-Folle?

-Crazy. Regarde-la. » (p.34, Royal)

Points douloureux :

  • L’aspect sociopathe du protagoniste est parfois lourd et vient nuire à tous les aspect qui peuvent nous le rendre attachant.

« Je les ai pas, tes crisse de notes, Mike. Je suis pas assez con pour te voler ça. Je vais avoir ben plus de fun à te voir planter à l’examen en suivant les règles. C’est pas ça qu’on apprend, de toute façon, en droit? Planter le monde en suivant les règles? » (p.245, Royal)

  • Les phases de la crise existentielle du narrateur sont longues et nous sortent de l’histoire de ce dernier.

« Tu t’es mis à tout imaginer dans un million d’années. […] Tu t’es dit qu’effectivement, tout ça ne signifiait absolument rien, et que même si quelqu’un dans la classe, toi ou un autre, finissait par mériter une statue à son effigie, les statues mouraient elles aussi […] Tu t’es demandé quand le pavillon de droit finirait par arrêter d’être entretenu; tu t’es imaginé la nature reprendre ses droits… » (p.71, Royal)

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Crédits photos : Cindy Boyce

L’oeuvre a tout à fait sa place dans la compétition pour gagner le Prix littéraire des collégiens. La narration est séduisante et permet de s’attacher au personnage principal, malgré ses défauts. Il est vrai que les thèmes qui sont liés à la fuite et à la drogue manquent d’originalité. Par contre, les thèmes sur l’obsession de performance et le suicide sont amenés de façon originale et se fondent bien avec la personnalité du personnage principal. De plus, le récit touche à l’univers des collégiens.

Pour toutes ces raisons, notre groupe attribue au livre une note 7.67/10 à ce livre.

Citations préférées :

« Tous les êtres humains sont décevants: il faut seulement leur laisser le temps. » 

« T’as jamais été fan de dignité humaine de toute façon. »

PAR

David Hétu
Alex Laviolette