La poésie de l’intertextualité, par Roxanne Gagné
–Jacques Peter, Jacques Peter, Jacques Peter est un osti d’bon joueur de poker.
Ainsi finit la dernière chanson de Fred Beauchamp. Cet être féérique était venu nous détendre pendant une bonne heure avec son instrument et sa voix. Il était maintenant temps pour lui de quitter la place. Celui-ci, guitare à la main, fée énergique parmi une nuée de morts-vivants, remercia le public en lançant une poudre magique qui en saisit plus d’un. Les ressuscités, se rendant compte qu’un nouvel atelier commençait, se levèrent péniblement de leurs tapis enchantés.
Cinq minutes plus tard, un loup-garou joyeux du nom de Frédéric Généreux apparut devant nous à travers une diffusion de lumière bleu et rouge kaléidoscopique. Généreux était le meilleur ami du lapin blanc qu’on nommait Dominique Corneillier. Depuis leur rencontre, il créa nombre de recueils de poésie ensorcelés. À partir de ce moment, nous sûmes que nous étions pris à construire un poème.
Le loup lut durant vingt minutes des textes de différents auteurs mages. Grunge, Tatamie, Jacques Parizeau… les noms mystérieux se multipliaient. Tout à coup, son ami le lapin blanc demanda à Généreux la définition de l’intertextualité. Celui-ci, voyant un défi de la part du petit mammifère, décrivit en long et en large ce qu’il en était.
Après avoir répondu à la question, l’immense canidé discuta avec les élèves du thème du sang, des vagues et de l’hiver. Ces thèmes étaient des éléments très importants des textes qui avaient été lus. C’est pourquoi il posa des questions aux apprentis .Charles-Éric et Camille, un duo de dragons érudits, répondirent brillamment.
Suite aux réponses des élèves, le loup-garou fit jouer, grâce à un objet électrique, des chansons venues d’outre-terre pour appuyer ses propos. L’une d’elles du nom d’« entre les vagues » était chantée par une sirène du nom de Kouna. La voix était étrange, les instruments hypnotiques. Tout à coup, la musique s’arrêta et deux phrases dites rapidement sortirent du néant. La moitié des étudiants n’avait rien compris.
-Prenez un livre !
Nous obéîmes sans réflexion. Heureusement, les 12 étudiants de deuxième année, faits de la plus solide des pierres précieuses, réussirent à comprendre le travail et à le commencer. Choisissant un vers dans un livre, ils l’utilisèrent pour créer leurs propres formules.
Le temps écoulé, les champions commencèrent à lire leurs poèmes. Ils étaient fabuleux. Le loup donna ses compliments à Charlotte l’elfe, car elle avait su faire une poésie très intimiste de sa chambre à coucher. Il félicita aussi William le nécromancien, qui avait fait ressusciter les mots de ses poèmes. D’autres champions écrivirent d’excellents textes. Les lettreux étaient maintenant prêts à aller à leur prochaine destination.
Transition traînante.
Les heures s’effilochent. Notre prochaine destination est le centre d’aide en français. Il est cinq heures du matin et c’est notre deuxième activité de poésie. Certains d’entre nous se plaignent. Ils manquent de jus poétique.
Des étudiants de lettre qui se font corriger leur français, c’est humiliant, mais c’est possible.
On se fait corriger de bien belle manière par François Rioux, un poète avec une voix chaude, qui nous donne envie de dormir en ronronnant. Nous l’écoutons parler de sa poésie du quotidien. Celle qui éveille nos sens à tous les jours.
Qu’y a-t-il de plus beau qu’un Cégep vide? Une gagne de poètes en pyjama.
Qu’y a-t-il de plus délectable qu’un café ? Charlotte, la main tremblante, nous affirme que rien ne saurait l’égaler.
Qu’y a-t-il de plus rassurant que le bruit de la ventilation ? les chansons de Fred Beauchamp.
Nous tentons de nous émerveiller de ce qui nous entoure sous les regards de jugement de Dominique Corneillier. Il a revêtu un chapeau pour se protéger de la lune et vient faire le contrôle de notre poésie de somnambule.
William-Alexandre, de son côté, écoute avec le plus fort de ses sens, celui qui même en situation de crise demeure, le sens de l’adoration de Dominique Corneillier. Il met au monde un poème hommage à Miron qui critique les cellulaires. Monsieur Corneillier approuve, des clins d’œil sont échangés, William fera de beaux rêves.
Nous avons à peine le temps de remercier M. Rioux pour la beauté de sa voix et celle de ses poèmes que le soleil, timide mais présent, nous indique que l’épreuve est presque terminée. Notre sensibilité, éveillée par l’introspection que nous a demandé la nuit, embellit les couleurs du matin.
En sortant de la bibliothèque, on croise deux amoureux endormis. La tête appuyée sur l’épaule de son copain, Roxanne, une de nos femmes de lettres, nous présente à nouveau un exemple de poésie de l’intime, de poésie du quotidien.