Premiers pas dans la nuit

Nos attentes, par Christina Champagne

Encore cette année a eu lieu la 4e édition de cette nuit blanche tant attendue : la nuit de la littérature. Ces douze heures productives où alterneront ateliers d’écriture, conférenciers, pauses collation et un moment de répit tout en musique en feront nuit pleine d’imagination. Le thème qui teintera cette fois-ci nos textes hauts en couleur au fil des heures sera l’intime.

Ce thème peut être traité selon divers aspects. Il y a l’autofiction où à partir d’un souvenir on intègre une fiction qui amplifie ce dernier. Ensuite, il y a la correspondance, la poésie et l’érotisme. À mesure que le temps passe, la fatigue va se refléter sur nos textes. Qui sait ? Nous dévoilerons peut-être nos secrets les plus intimes? Nous sommes fébriles à l’idée de commencer cette nuit. Quels conférenciers seront présents? Qui animera les ateliers au courant de la nuit. Surtout, quel professeur aura le courage de braver la tentation du sommeil avec nous? Qui flanchera?

On va voir qui sont les couche-tôt et les oiseaux de nuit. Pour ma part, je suis une couche-tard, donc je n’ai pas de problème à ne pas dormir ou, du moins, j’aurai moins de difficulté à rester éveillée. Ma crainte est plutôt le manque d’inspiration plus la nuit sera avancée. Par contre, j’ai hâte de voir le style d’écriture des étudiantes de première année et l’imagination qu’elles ont.

Il est presque l’heure de se rendre à la cafétéria des professeurs. Nous allons devoir être en équipes. Nous faisons des provisions de sucre, enfilons des vêtements confortables. Nous marchons tranquillement vers le point de départ. Armés de nos stylos, enroulés dans notre doudou, nous sommes prêts à entamer les 12h de littérature.

Au lieu de rendez-vous, tout le monde jase. On est excité de se retrouver. L’impatience monte au sein du groupe. Elle monte en moi aussi, je me demande ce qu’on va faire.

La première création

Par Charlotte Bergeron

À 18h30 je débouche mon crayon, c’est le temps de prendre des notes pour me rappeler de la prochaine heure et demie. Mes neurones semi-endormis (parce que, quand même, j’étais au cégep aujourd’hui) ont tout à coup mal aux yeux par l’entrée remarquée de père et matante, arrivés tout droit de l’Albion. Ces deux-là ont pris très au sérieux le concept de déguisement en fonction de notre surnom dans le groupe : lunettes fumées, perruque, attitude, la totale. Le choc passe. Ça sent le poulet.

Clic clic, je ressors ma mine. Oui, mes mains sont propres, il y avait une lingette dans l’emballage à ustensiles. Le groupe est rassasié et désaltéré, les profs ont pensé à tout. Qu’est-ce qu’on fait maintenant? Malaise. Ils sont presque tous partis fumer, les autres, je ne les ai jamais rencontrés.

« Oyez, oyez! »

J’entends le prof qui chante, il faut s’approcher. On nous explique la prochaine activité : faire des équipes. Donc là, si je comprends bien, tu me demandes d’intégrer les étudiantes de première année. Intégrer? D’accord, alors moi c’est Charlotte, enchantée.

On y arrive, c’est lent, mais ça se passe, on crée des groupes de quatre. Il y a des rires à ma gauche, tiens, ceux-là s’amusent. Je me tourne vers mon équipe, maintenant c’est nous qu’on entend. Ça va passer vite, Charlotte, t’as déjà du fun.

Vient le temps de se définir, de se donner une identité, parce que : qui fait des équipes sans nom d’équipe? Nous nous sommes donc tous présentés, en tant qu’équipes, par un nom, un auteur et une citation d’une qualité digne de notre parcours en lettres.

Voici le résultat :

Les Ti-poulets ont choisi Patrice Lessard comme auteur et déclarent : « Là je suis vraiment occupé, pis c’est le bordel chez nous! »

Les Enflammés élisent Victor Hugo et se représentent par la phrase : « T’as des rondeurs de croissant au beurre. »

Les Vieilles torches s’associent au grand Michel Tremblay et poussent leur concept avec l’affirmation : « Vulgaire jusqu’au trognon. »

Les Grands connes, plus littéraires, désignent Nelligan à leur tête et ne vivent que pour crier : « Vive le Québec libre! »

Finalement, les Olympiennes, qui rétablissent l’équilibre avec leur délicatesse plus évidente, choisissent Homère et articulent gracieusement : « Une pièce sans livre c’est comme un corps sans âme. »

Satisfaits de nos nouvelles identités, nous prenons une première tasse de café (qui sera suivie par beaucoup d’autres) en préparation à la prochaine activité.