L’évasion d’Arthur ou la Commune d’Hochelaga

L’évasion d’Arthur ou la Commune d’Hochelaga, premier roman de Simon Leduc, raconte l’histoire d’Arthur, enfant âgé d’une dizaine d’années, qui vit entre un père qui fait les poubelles pour fabriquer des inventions qui fonctionnent rarement et une mère travailleuse sociale, un peu névrosée. À l’école, la vie y est difficile, car l’enfant est tyrannisé par les RJ (trois petits voyous de l’école) dans la cour de récréation. Les fugues seront alors la solution pour fuir la réalité qui l’entoure au quotidien. Sa vie reprendra un semblant de stabilité avec sa rencontre avec Choukri, alias Barbe Bleue, un homme souffrant de schizophrénie, mais d’une grande intelligence et d’une grande sensibilité. Sa découverte de la Commune d’Hochelaga changera sa vie de manière radicale et lui fera vivre des aventures toutes plus intenses les unes que les autres.

L’œuvre, qui compte plus de 300 pages, contient en son sein plus de narrateurs que les doigts d’une seule main. L’auteur va jusqu’à prendre la parole afin de s’adresser au lecteur : « S’ils se sont rendus jusqu’ici, la lectrice et le lecteur ont déjà dû accepter bien des invraisemblances, comme un mois qui n’en finit pas, un enfant qui parle trop savamment […] et puis quoi encore ? Leur patience a-t-elle atteint ses limites ? » Beaucoup d’invraisemblances sont présentes dans le récit, mais on peut comprendre à ce moment-là que c’est exactement l’effet recherché par l’auteur.

Le roman nous offre aussi une belle leçon de vie. Il nous permet de découvrir que même les personnages les plus stables sont remplis de névrose et d’autodestruction et que des personnages souffrant de maladies mentales possèdent une hypersensibilité face au monde qui les entoure : « Choukri pile sur une bouteille de plastique remontée à la surface. Briser des choses, ça le connait. Assez pour qu’il sache identifier le son d’un enfant qui craque. » À cause de sa maladie, Choukri vit dans son propre monde délirant, mais est parfaitement conscient du tourment d’Arthur, et se donnera pour mission la protection de l’enfant.

En mélangeant à la fois réalisme et invraisemblance, l’auteur nous livre une œuvre abracadabrante qui nous touche en plein cœur et dont la fin nous fait tendrement sourire.

Par Déborah Vallier

Shuni

Shuni, troisième livre de Naomi Fontaine, écrivaine d’origine innue, met de l’avant une vision différente des Autochtones. L’œuvre est faite d’anecdotes que l’auteure nous raconte et il en découle beaucoup de sensibilité et d’humanité. Ce récit est une lettre écrite à une amie d’enfance, Julie, aussi appelée Shuni. L’auteure lui fait part de ce qu’elle a manqué depuis qu’elles se sont perdues de vue tout en lui expliquant ce qu’est la vie d’une Autochtone.

La narratrice défend son peuple, tout en étant calme, ne laissant transparaître aucune colère et n’accusant personne pour les conditions de vie de son peuple. Elle affirme qu’il y a certains Innus qui ont plus de difficulté que d’autres à réussir. Ceux-ci joignent les statistiques, mais ce n’est pas le cas de tous : « Un journaliste, certainement très au courant des chiffres, m’a demandé comment […] je m’y étais prise pour réussir mon parcours scolaire jusqu’à être diplômée de l’université. » Fontaine souligne les faux-semblants que les statistiques peuvent causer. Ces chiffres sont parfois considérés comme la destinée des autochtones. 

 Tout au long de son œuvre, la narratrice dépeint de façon dynamique quel genre de peuple les Autochtones sont: « Souvent, nous sommes déraisonnables dans notre joie ou notre colère. Souvent, nous nous laissons emporter quand il vaudrait mieux garder son calme, prendre le temps de respirer. […] nous laissons notre cœur dicter seul nos actions. Sans anticiper les conséquences. » La narratrice nous fait voir la chance qu’ils ont d’être aussi « sensitifs » et attachés à leurs valeurs ancestrales. Cette œuvre est une porte ouverte sur un peuple souvent méprisé et victime de racisme.

Par moments trop moralisateur, ce récit est toutefois un bel hommage aux Innus. Il nous montre sous un angle différent les Premières Nations ainsi que leur force de caractère.

Par Kim Ratelle

Ouvrir son coeur

Ouvrir son cœur, récit d’Alexie Morin, dépeint les traumatismes d’enfance de la narratrice. À travers ses conflits entre amies, l’intimidation et les défis de son TDAH, elle revisite son passé pour mieux se comprendre et mettre un baume sur le passé.

Malheureusement, les sujets abordés apportent un ton lourd au récit. La façon dont la narratrice aborde ses souvenirs donne une impression de plaintes sans fin par rapport à sa vie : le rejet qu’elle a vécu de la part de sa meilleure amie, ses difficultés liées à son TDAH et son sentiment d’être sans cesse incomprise. Le fil conducteur qui unit les sujets abordés n’est pas toujours évident, surtout lorsque le récit vire au discours informatif. C’est le cas, par exemple, lorsqu’elle explique son problème d’œil :«Dans beaucoup de cas, le cristallin peut ajuster l’image, la replacer sur la rétine en se contractant. On appelle ce phénomène «accommodation », et plusieurs cas d’hypermétropie faible passent inaperçus grâce à lui. »

Par contre, à travers les anecdotes racontées, la narratrice montre sa force de caractère. En effet, elle laisse voir ce qu’elle a dû surmonter à travers les années pour arriver où elle est aujourd’hui. Étant une jeune fille incomprise et différente aux yeux des autres, elle a dû se forger un caractère lui permettant de passer à travers ses épreuves. Dans son récit, une quête du souvenir est effectuée, ce qui donne lieu à l’exploration de ses sentiments d’une façon touchante : «Quand je repense au dessin et à la peinture, je dois admettre que j’ai perdu quelque chose, un lien plus direct et fécond avec […] mon propre talent, mon moi profond».

La narratrice semble avoir cherché à donner un sens à son enfance. Tristement, son récit est décousu et il est difficile de s’y retrouver. Un roman plus court où on y retrouve l’essentiel aurait été plus efficace.

Par Laurence Charlebois

Les offrandes

Le nouveau roman de Louis Carmain, Les offrandes, est une œuvre pleine de vie et de couleurs. Dans l’univers tropical du Mexique évolue le personnage de Maude, une jeune Québécoise vingtenaire et enquêtrice spécialisée en disparition d’animaux. Tout commence lorsque son ex-belle-mère lui demande d’enquêter sur le meurtre de deux sœurs retrouvées pendues dans la cour de l’immeuble où elles travaillent. Tout en suivant Maude dans sa captivante enquête, le lecteur rencontre des personnages plus magistraux les uns que les autres et visite les bas-fonds sinistres du Mexique tout comme les multiples couleurs locales du pays.

« Maude Cantin Espejo, donc. Tous les Mexicains massacraient son prénom : Maoudé. Et puis ce nom de famille étrangement hybride dont elle résumait rapidement l’origine : son père avait été Gaspésien, sa mère Yucateca. »

Alors que le roman nous plonge dans une nouvelle culture, l’identité québécoise du personnage principal nous permet de nous y attacher. On y est dépaysé, mais pas totalement. Elle a un nom qu’on connait, des origines près des nôtres, des références qu’on comprend. C’est ce qui rend le roman accessible. En revanche, on connait peu du passé du personnage. En savoir un peu plus sur elle la rendrait certainement plus humaine et encore plus attachante.

« C’était une Mexicaine comme il y en a plein, mais comme les non-Mexicains pensent qu’il n’y en a pas. Elle semblait intelligente. »

L’habile plume de Carmain, en plus d’une légère touche d’humour et d’un fil conducteur clair, permet une enquête longue et périlleuse, sans être ennuyante. Les informations sont données au compte-goutte, précautionneusement, de sorte qu’on y reste accroché tout au long de notre lecture.

Somme toute, Les offrandes, de Louis Carmain est sans aucun doute un indispensable pour les amateurs d’intrigue quasi indéchiffrable et de suspense angoissant. C’est un nouvel incontournable de la littérature d’ici.

Par Méliane Quessy

Suzanne Travolta

Suzanne Travolta, d’Élisabeth Benoit, est un roman intéressant à bien des égards. Superposant une histoire de suicide, une enquête policière et le quotidien des personnages principaux, l’auteur a su manier sa plume pour créer une œuvre pour le moins intrigante.

Le roman débute avec le suicide de Marie-Josée, la sœur de Laurent, une vedette de télévision locale. Elle vivait sur la même rue que Suzanne Travolta, la protagoniste. Pour une raison mystérieuse, Bob et Mike, deux détectives un peu louches, sont chargés d’enquêter sur cette dernière. Tout au long du roman, la narration est partagée entre Bob et Suzanne. Cette caractéristique est un des points forts de ce roman puisqu’elle permet de jeter un regard différent sur le personnage énigmatique et discret de Suzanne Travolta.  

D’ailleurs, les nombreux retours dans le passé sont un autre point positif de l’œuvre. Laurent et Raymond, son ami d’enfance, semblent tous deux éprouver des sentiments amoureux pour Suzanne. Au fil de leurs discussions, ils racontent de nombreuses anecdotes de jeunesse à cette dernière. À de rares occasions, Suzanne elle-même se confie à propos de sa vie passée. Ces sauts dans le temps nous en apprennent plus sur les personnages, mais contribuent surtout à les rendre plus mystérieux.  « Moi-même j’avais été élevée par quelqu’un d’autre, comme on dit, moi-même je n’avais pas été élevée par ma mère et par mon père, mais par des femmes payées par mes parents ».

Suzanne Travolta n’est pas une œuvre parfaite et possède quelques légers défauts, à commencer par les longs paragraphes et les phrases qui semblent ne jamais finir. « Il avait fallu, tout au long des funérailles de Marie-Josée, qu’elle explique à à peu près tout le monde à quel point Marie-Josée et elles étaient liées au fond, et ce souvenir soudain était venu me hanter alors que Ray continuait à me parler du frère et de ce fameux canapé Bauhaus sur lequel je m’étais déjà assise, je le savais, mais sans pourtant remarquer ce fameux canapé Bauhaus, je n’étais pas du genre à faire une remarque sur un canapé Bauhaus. » Dans cette œuvre, un paragraphe peut s’échelonner sur sept ou même huit pages. Ce rythme donne parfois l’impression que la lecture ne finira jamais.

En somme, bien que Suzanne Travolta présente certains points faibles, cela reste tout de même une œuvre qui mérite que l’on s’y attarde.

Par Nadine Forget

Tu as besoin de lui

À chaque fois que tu le voyais, ton corps réagissait automatiquement. Tes yeux brillaient d’un éclat pur, tu frissonnais de plaisir et ton cœur battait follement. Tu savourais chaque moment que tu passais avec lui. C’était comme si tu te réveillais en sa présence. Après tout, tu avais la chance de profiter de lui chaque jour. Ah que c’était l’amour fou! Tout le monde qui te voyait avec lui le comprenait.

Mais la crise devait arriver et tu es privée de lui.

Ça fait deux semaines que tu ne l’as pas vu. Tu trembles tellement tu as besoin de lui. Tu as essayé de soulager ta peine en regardant des photos de lui sur Google, mais ça ne suffit pas. Tu dois l’avoir à tes côtés!

Il est si loin et si près à la fois, mais tu ne peux pas te risquer : les autorités ne considèrent pas cela comme un besoin essentiel. En plus, tu n’as pas le permis. Il te faut quelqu’un pour t’emmener vers lui. Ce n’est pas subtil, deux personnes dans une voiture : les policiers pourraient vous arrêter et vous donner une amende que tu n’as pas les moyens de payer.

Ta mère te dit de lire des livres de romance et d’essayer de l’imaginer au lieu de l’homme de fiction qui fait tant rêver les femmes. « Après tout, tu es enfermée dans la maison et tu en as, des livres! », dit-elle. Tu as essayé, mais ça ne s’appliquait pas à ta relation. Il est trop parfait, lui, pour être comparé à ces barbares qui tranchent la tête à ceux qui s’approchent trop de leur bien-aimée. Ton amour ne ferait jamais ça.

Ta mère ne comprend pas. Personne ne comprend tes sentiments pour lui. Les autres comprennent que tu es amoureuse, mais ils ne savent pas à quel point. Ils voient toutefois que tu souffres doucement face à la crise.

On dirait que son absence te fait perdre de l’énergie. Tu as même maigri. Certains disent que tu es dépendante de lui et que c’est mieux que vous soyez séparés pendant un bout de temps. Mais est-ce une dépendance s’il ne te fait sentir que du bonheur? Il n’est pas toxique. Il ne te battrait pas. Il te donne même de la force de survivre à tes journées. Les gens ne voient-ils pas que tu souffres sans lui?

La nuit, tu pleures. Tu ne comprends pas pourquoi la vie en a décidé ainsi. Sa présence te manque tellement que tu le vois dans tes rêves. Il est si loin là-bas… Tu désespères quand tu te poses la question : « Et si jamais je ne le revoyais pas? » Peux-tu survivre sans lui?

Non, il faut que tu te contrôles. Il le faut! Il est ta raison de vivre. Il est l’amour de ta vie, le seul qui te comprend. Il est tellement parfait qu’il sent même le caramel. Tu le reverras! Un jour, tu pourras sortir dehors. Tu vas le revoir! Il faut que tu le croies. Ne va pas tomber plus bas dans la déprime.

Quand tout cela sera fini, tu te dépêcheras pour le rencontrer. Rien ne pourra t’empêcher. On te conduira vers lui. Tu enrouleras tes doigts autour de son gobelet froid. La paille entre les dents, tu soupireras de bonheur. Tout ce temps d’attente te le fera mériter, ton cappuccino glacé au caramel salé.

Par Alexia Malo

L’amour mouillé

Il était une fois, dans une grande ville bondée de monde, une petite boule composée de poils et de tentacules, par lesquels sortait toujours une sorte de petit liquide vert. Son nom était Suriv et dès qu’il s’approchait des gens, ceux-ci partaient en courant. Suriv était très triste dans cette ville immense où personne ne voulait de lui. Un bon matin, il décida de se faire un tout petit sac et d’y mettre son manteau, sa brosse à dents, son livre favori ainsi que deux petits morceaux de chocolat et d’enfin quitter son doux dépotoir.

Après déjà 26 jours de voyage dans plus de 132 pays, le pauvre Suriv n’avait toujours pas trouvé d’endroit où se sentir chez lui. Il était pourtant allé partout; dans les centres commerciaux, dans les hôpitaux, dans les parcs, mais même les enfants ne voulaient rien savoir de lui. Tout le monde le chassait.

Un jour, il trouva un endroit comme il n’en avait jamais vu! Il y avait des jeux, des glissades, des tapis et de l’eau partout. Juste à regarder tout cela, ses tentacules se mirent à suinter comme elles ne l’avaient jamais fait. En moins de deux minutes, la piscine dans laquelle il venait de plonger s’était transformée en un liquide encore plus collant qu’un pot de glu. C’était le plus bel endroit au monde, il en était sûr.  Après tout, l’humidité, c’était ce qui le gardait en vie.

Dans son joli château, les journées passent et se ressemblent.  Il glisse, se fait bronzer sous les néons, joue au ballon… Mais peu importe l’activité qu’il fait, il se sent extrêmement seul. Il voudrait pouvoir donner au monde entier tout ce qui l’habite, mais ce dernier ne cesse d’augmenter les façons de l’éloigner.   

Un jour, Suriv décida d’aller explorer le sous-sol. C’est alors qu’il y découvrit plusieurs serviettes qui empestaient. Il y accourut pour inhaler d’un peu plus près cette divine senteur.

-Ah! Que c’est bon d’enfin se sentir chez soi!

-Mais qui es-tu? Que fais-tu chez moi?

Une petite boule, de la même grosseur que Suriv, sortit de sous le tas de serviettes. Celle-ci se distinguait par ses gros trous à la place des tentacules.

-Je ne comprends pas, c’est chez moi ici! Ça fait déjà 2 mois que j’habite en haut et je ne t’ai jamais vu.

-Moi, c’est Eirétcab! Je me cache ici depuis déjà onze ans. Les humains ne voulaient rien savoir de moi, et dès que je m’approchais d’eux, ils s’enfuyaient. Ils ont même créé un antidote qui réussirait à me tuer en un rien de temps. Et toi, pourquoi es-tu ici?

-Je m’appelle Suriv! J’ai seulement été découvert il y a cinq mois! J’ai déjà fait le tour du monde, mais personne ne veut de moi. Tu es la première à m’adresser la parole.

-Je crois que j’ai attendu quelqu’un comme toi toute ma vie.

Eirétcab fut surprise de voir que le centre aquatique était totalement désert. Elle n’avait jamais assisté à quoi que ce soit du genre. Elle pouvait enfin profiter de tous ces jeux avec le petit monstre qu’elle aimait. La hideuse beauté poilue laissait une trace rose gluante partout où elle passait, ce qui permettait à son bien-aimé de la retrouver peu importe où elle allait.

Ils jouèrent ainsi, dans leur palais humide, pendant encore plusieurs années, jusqu’au jour où Eirétcab eut un petit garçon, qui à lui seul était plus destructeur que ses deux parents réunis. Il leur en voulait tellement de l’obliger à vivre enfermé qu’il les tua sans aucun remords.

 On eut ici la preuve que ce que crée l’amour est plus fort que tout. 

Par Emy Laviolette