Reportage sur la réalité des créatures légendaires à l’ère de la COVID-19
Par Flavie Caron-Leblanc
Mercredi soir dernier, à Rimouski, Rose Latulipe est portée disparue alors qu’elle était sortie de son domicile passé l’heure du couvre-feu. La jeune fille de 18 ans aurait été aperçue pour la dernière fois sur la rue des Marguillers. Aucun indice n’a permis aux enquêteurs d’identifier son ravisseur, à l’exception d’une petite traînée de sable laissée à l’endroit où la victime se serait volatilisée…
Eh oui! Après une pause que l’on croyait définitive, le Bonhomme Sept Heures reprend du service. Ce sinistre personnage s’est remis à rôder à travers tout le Québec et est désormais résigné à apporter sa contribution en ces temps de pandémie. «Pour une fois que la situation m’avantage, je ne vais quand même pas me gêner!» se réjouit l’être maléfique.
Préconisant les secteurs où le couvre-feu a lieu à 8h, il enchaine les dénonciations et les enlèvements de citoyens récalcitrant aux nouvelles mesures émises par la santé publique. «Les affaires n’ont jamais aussi bien roulé depuis la mise en application du couvre-feu. J’ai presque doublé mon chiffre d’affaires!» s’exclame monsieur Sept Heures.
Ayant reçu tout récemment ses nouveaux permis d’enlèvement de la FDDQ (Fédération des légendes du Québec) le Bonhomme Sept Heures a maintenant l’autorisation de sortir de chez lui quand bon lui semble pour avertir et faire disparaitre tout être humain âgé entre 2 et 78 ans.
Cette nouvelle acquisition de responsabilités ne fait, cependant, pas l’unanimité au sein de la population des villes entourant Québec. À Boischatel, quatre individus ont tenté de manifester leur mécontentement en allant se promener près de la chute Montmorency autour de 2h du matin. Leurs proches affirment n’avoir jamais reçu de leurs nouvelles depuis cette soirée-là.
Sur Facebook, plusieurs groupes haineux (tels que C’pas à Sept Heures qu’ça s’passe) ont vu le jour depuis que le professionnel des enlèvements est retourné à ses actifs. «Sous ma dernière publication, qui valorisait la délation entre voisins, j’ai reçu beaucoup d’insultes», dénonce l’être surnaturel. Des communautés complotistes ont également pris en cible le Bonhomme Sept Heures en tentant de se convaincre de son inexistence. «Vous savez, quand je lis ces théoriciens qui prétendent que je n’existe pas, je ris doucement», dit le Bonhomme d’un ton amusé.
Après plus de 1900 ans de carrière, le Bonhomme n’est pas près de prendre sa retraite. Chaque soir, c’est plus de 666 cas d’enlèvements d’enfants dont il est responsable. «C’est sûr, avec la gestion des différents couvre-feux par région, je dois relever de nouveaux défis, mais j’aime mon métier quand même», concède-t-il pendant une réunion Zoom.
Le Bonhomme Sept Heures a à cœur les enlèvements qu’il effectue, et il n’hésite pas à recourir aux grands moyens lorsque cela est nécessaire. «La plupart de mes victimes que je rencontre dans les parcs sont des adolescents, mais il peut m’arriver de tomber nez à nez avec un adulte au détour d’une rue, d’un trottoir, ou autres. Généralement, je leur envoie une ou deux poignées de sable dans les yeux et l’affaire est dans le sac», explique la créature. Malgré toutes les épreuves auxquelles il fait face au quotidien, monsieur Sept Heures reste serein quant à son avenir. «Évidemment, le couvre-feu prendra fin un jour. […] Je ne sais pas ce qu’il adviendra de moi une fois que la pandémie sera réglée, mais ce que je sais c’est que, même avec les vaccins, il y aura toujours des petits monstres qui seront prêts à arrondir mes fins de mois», témoigne-t-il avec un brin de fierté.