Mettre l’histoire en mémoire
Les histoires font partie de notre quotidien. Il est facile de dire que le monde tourne autour d’histoires. Elles forgent les rêves des gens. Le théâtre est un moyen pour ces histoires de vivre à travers les comédiens et les interprétations. Le mardi, 16 février dernier, dans la salle Hector-Charland, la très célèbre œuvre d’Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, a transcendé les siècles pour, une fois de plus, prendre vie sur la scène.
Adaptée par Frédéric Bélanger, la pièce, intitulée D’Artagnan et les trois mousquetaires, raconte le récit de l’arrivée rocambolesque de d’Artagnan à Paris. Il y fera la rencontre de trois braves mousquetaires, Athos, Aramis et Porthos. Ensemble, les quatre partenaires tenteront de contrer les plans du sinistre Cardinal de Richelieu et de deviner qui est la mystérieuse femme au service de ce dernier.
Entrer dans la foule
Au théâtre, l’interprétation de la pièce est très importante. La troupe Advienne que Pourra a décidé d’exploiter un aspect qui n’est pas souvent utilisé : le bris du 4e mur. Ainsi, les acteurs ont occupé non seulement l’espace scénique, mais également le reste de la salle, où se trouvait l’auditoire, permettant au public de participer plus activement au spectacle. Donnant parfois un air dramatique au jeu, avec les apparitions des gardes du Cardinal un peu partout dans la salle, cette astuce a aussi su faire rire plusieurs spectateurs avec le personnage de Planchet et de ses fameux environs.
Cependant, bien qu’amusante et intéressante à exploiter, cette initiative n’est peut-être pas à utiliser n’importe quand. Il y a eu quelques débordements, certains comédiens sortant de leur personnage pour passer des remarques inutiles, bien que drôles. Cela donnait l’impression que la pièce avait été adaptée pour un public adolescent.
En ce qui a trait au jeu des acteurs, on note quelques faiblesses.
Le Cardinal de Richelieu, par exemple, est l’un des personnages les plus importants de cette histoire et doit dégager un air hautain pour être respecté de tous, par la peur qu’il inspire. Il est sans nul doute, dans l’histoire, l’homme le plus puissant de France. Cependant, bien que le comédien (Claude Tremblay) ait joué à merveille ce rôle, il est difficile de ne pas remarquer la petite taille de celui-ci, ce qui ne semble pas incarner très bien le personnage du Cardinal. Autre exemple, le personnage du duc de Buckingham comportait également quelques incohérences. Ce duc était le Premier ministre d’Angleterre, et le comédien qui jouait ce rôle utilisait parfois des expressions anglaises, mais, la plupart du temps, il avait un accent qui faisait plutôt français international. Il aurait fallu être cohérent dans l’interprétation du personnage, soit jouer toujours avec un accent anglais, soit sans accent.
Pour ce qui est du Roi Louis XIII, le comédien (Philippe Robert) interprétait sans difficultés l’un des plus anciens cas d’«enfant-roi»: un homme à qui la France revient de droit, mais qui ne possède aucune capacité à bien gouverner, préférant vivre dans l’enfance et piquer une crise si cela ne se passe pas comme il le souhaite. On peut d’ailleurs voir une différence entre la pièce montée par le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) et celle interprétée le 16 février à l’Assomption. Au TNM, le personnage du roi donnait aussi l’impression d’un enfant, cependant on y voyait un gamin enjoué et surexcité et non un enfant gâté. Dans les deux cas, une chose est claire : la France est aux mains d’un jeune homme immature.
De l’ombre à la lumière
Les autres aspects intéressants concernent la technique. Le jeu de lumière était important, il en disait long sur certains personnages et il était facile d’y voir des métaphores fort intéressantes. Lorsque la reine Anne entrait en scène, par exemple, l’éclairage était beaucoup plus prononcé, illuminait les planches. On peut y voir une signification de la bonté d’âme de la reine puisqu’elle était baignée dans la lumière. Au contraire de celle-ci, lorsque le Cardinal entrait, l’éclairage était plus sombre, tamisé même. Cela peut représenter la personnalité ténébreuse et dangereuse de l’homme qui tire les ficelles dans l’ombre.
Un effet lumineux particulier était en lien avec Milady de Winter, comparse du Cardinal et condamnée à la peine de mort par les mousquetaires. À la fin, elle s’est avancée vers la lumière comme certains avancent vers leur mort, se résignant à accepter son sort. D’une certaine manière, sa mort montre aussi son passage de l’ombre à la lumière puisqu’à la fin, ses actes sont pardonnés par les mousquetaires.
D’Artagnan et les trois mousquetaires est une pièce qui a probablement comblé les attentes du public lors de la présentation au théâtre Hector-Charland. La troupe a su présenter à l’auditoire une interprétation agréable de cette histoire mythique pour le grand plaisir de tous. Dans un Québec contemporain, il est toujours plaisant de retourner aux sources de la littérature française qui a influencé la littérature québécoise. Il est aussi bon de se rappeler que ce sont les plus vieux écrits qui nous font le plus rêver. Revoir ce classique en tant qu’adulte est un peu comme retrouver cet enfant intérieur en nous qui se rappelle d’innombrables combats à l’épée.
La troupe de théâtre Advienne que Pourra aime particulièrement jouer de grands classiques. D’Artagnan et les trois mousquetaires en est un bon exemple.
Par Mei-Han St-Louis
Crédit photo: Juno photo
Pour en savoir plus sur la pièce : http://theatreaqp.com/2015/11/23/dartagnan-et-les-trois-mousquetaires/
Pour en savoir plus sur la troupe : http://theatreaqp.com/