C’est un vendredi soir, et Alice est couchée dans son lit, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Elle vient de manger tout rond le « brownie magique » que son ami Lewis lui a donné à l’école plus tôt dans la journée, en lui garantissant qu’elle allait « planer bin raide ». Autour d’elle, des vêtements, des papiers d’école froissés et des sacs de chips vides sont éparpillés. Pourtant, Alice se sent bien. Une fois que ses yeux sont fermés et que la musique retentit dans ses oreilles, elle se trouve transportée dans un ailleurs où elle n’a pas à réfléchir à l’école ou aux problèmes qu’elle a à la maison. Cet ailleurs est parsemé de vallées ensoleillées et de champs de fleurs, et Alice peut y faire tout ce qu’elle désire.
Alors qu’elle se balade dans un champ de tournesols accompagnée de Nancy Sinatra qui lui chante joyeusement « I got some troubles but they won’t last, I’m gonna lay right down here in the grass … », elle est dérangée par des cris aigus. Son esprit revient à son corps et à sa chambre, et elle enlève ses écouteurs pour entendre sa mère et son beau-père se disputer agressivement. Elle renfonce rapidement ses écouteurs dans ses oreilles, comme s’ils étaient des conduits permettant de s’enfuir vers une autre réalité. Elle met sa main par terre et fouille à travers une pile de vêtements, pour mettre la main sur un livre : « Alice au pays des merveilles ». N’ayant pas lu le conte depuis longtemps, elle plonge dans sa lecture avec un grand sentiment de nostalgie.
Avec l’appareil photo de son téléphone, elle regarde ses yeux. « Un peu trop rouges », elle se dit. « Et si Lewis m’avait donné une dose trop forte? ». Alors que l’anxiété commence à monter en elle, la mère d’Alice ouvre sa porte de chambre à la volée en lui criant des mots qu’elle n’arrive pas à déchiffrer : « ménage », « encore gelée », « bordel », … En panique, Alice a du mal à comprendre la situation. Les pensées se bousculent dans sa tête, alors que sa mère commence drôlement à ressembler à une reine rouge malveillante : « Pourquoi est-ce que la reine de cœur est dans ma chambre? ». Le tourbillon émotionnel qui se passe en elle l’immobilise, et sa chambre devient de plus en plus sombre. Des visages effrayants et un chat au sourire trop grand la regardent, et semblent lui chuchoter des mots : « fais attention », « trancher la tête », « défends-toi ». Alice a peur. Elle veut crier, mais rien ne parvient à sortir. « Tue-la, avant qu’elle te tue », dit un des visages. Alice pense comprendre : la reine qui se trouve devant elle veut lui couper la tête. Elle se jette sur elle, pensant sauver sa propre peau, et sombre dans la noirceur.
Par Alice Violette