Boisé littéraire 

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018

Titre : De bois debout

Auteur : Originaire de La Tuque, Jean-François Caron est l’auteur de plusieurs romans dont Rose brouillard, le film(2012) et Nos échoueries (2010). De bois debout est son troisième roman publié par les éditions La Peuplade. Il a aussi écrit de la poésie, dont le recueil Des champs de mandragoresen 2006. Il est rédacteur en chef de L’Unique, le journal de l’Union des écrivains et écrivaines québécois. Il demeure actuellement à Ste-Béatrix et est camionneur.

Résumé :  De bois debout raconte l’histoire d’Alexandre, un jeune homme qui a vu son père mourir à la suite d’une maladroite poursuite policière. Il trouve ensuite refuge chez Tison, un homme solitaire et isolé. La première partie de l’action se déroule à Paris-du-Bois, où le jeune Alexandre a été élevé par son père dans le but de devenir un « vrai homme ». La seconde se passe en ville, où le personnage principal, devenu adulte, consacre sa vie aux livres et tente de se retrouver lui-même.

Propos : Dans De bois debout, il est question d’une recherche de l’identité à travers les deuils et les embûches qui surviennent au cours d’une vie. Jean-François Caron montre qu’il est possible de survivre grâce à la littérature.

Points forts : 

  • L’oeuvre est touchante et traite de sujets importants, comme le deuil et l’héritage. Le père transmet à son fils son désir de participer au monde dans le but de lui apprendre la vraie vie.

  « T’es un homme, alors tu te tais. Tu te tais, et tu apprends.» (p. 51)

  • L’utilisation d’éléments stylistiques propres au théâtre ou au journal intime (comme la façon d’introduire les voix ou de présenter la mémoire d’Alexandre), nous permet de bien comprendre les pensées du personnage et d’être empathiques face aux événements vécus.

« Résigné, il me dit seulement d’une voix éteinte que « quand on te paie pour une job, tu fais ce qu’on te demande ». Il est sale, mais il est toujours debout.» (p.113)

  • L’auteur a une très belle plume et amène beaucoup de métaphores et d’allégories liées à la forêt.

 « Les racines, c’est fort. Ça tient un arbre debout longtemps après sa mort.» (p.388)

Points douloureux :

  • Le lecteur est séduit parce qu’il réussit à deviner les mystères du livre et à prévoir les chutes, mais l’intrigue est maladroite et le rythme est décousu. Par exemple, quand Alexandre arrive chez Tison à la suite de la mort de son père, il oublie presque complètement celle-ci en apercevant la bibliothèque de l’inconnu.
  • Le style est cacophonique, car il y a beaucoup d’éléments qui nous font oublier le sujet principal de l’oeuvre. On a tendance à croire que l’auteur explique son livre dans les paroles des personnages.

« N’oublie pas le silence, Alexandre, il fait partie de l’histoire, lui aussi. » (p.115)

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Selon nous, De bois debout a sa place parmi les finalistes, puisqu’il traite de sujets qui intéressent notre génération et que ce roman met beaucoup l’accent sur la littérature. Par contre, nous ne croyons pas qu’il mérite de gagner, car il y a trop d’éléments qui nous font douter de la logique du propos: ça parle de quoi? Qu’est-ce qu’on en tire? Nous avons de la difficulté à répondre à ces questions.

Notre groupe attribue au livre une note  6.15/10

PHOTO: ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE 

 

 

 

 

 

 

 

 

Citations préférées :

«Je suis morte déjà. T’aurais pas un livre, quelque part, qui pourrait encore me faire vivre ? » (p.272)

« La mer ne parle pas. Il faut la deviner. Et, dans la chambre, il y avait une mer, soudain, qui agitait ses draps blancs dans un creux d’horizon. Marianne. Marie-Lune. Dans la marée montante du silence. » (p.260) 

PAR

Alex Laviolette
Coralie Dunn
Catherine Villeneuve
David Hétu

Au grand soleil cachez vos filles: du bonbon libanais

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018

Titre : Au grand soleil cachez vos filles 

Auteur : Abla Farhoud est une auteure, dramaturge et actrice québécoise. Originaire du Liban, elle a passé dix-neuf ans au Québec, mais est retournée vivre là-bas de 1965 à 1969. Puis, elle a étudié le théâtre à l’Université de Vincennes, à Paris. Elle demeure au Québec depuis 1973. Depuis 1990, elle se consacre à temps plein à l’écriture. Elle a écrit plusieurs pièces de théâtre, dont Les Filles du 5-10-15¢ (1993) et Jeux de Patience (1997). En 2017, elle a publié son cinquième roman, Au grand soleil cachez vos filles

Résumé : Dans les années ’60, les membres de la famille Abdelnour retournent vivre au Liban, après être demeurés plusieurs années au Québec. Ils débarquent à Sin el Fil, avec l’espoir de retrouver un pays que plusieurs d’entre eux considèrent comme le plus beau du monde. Les parents ont six enfants, dont quatre sont adultes. Ils doivent tous se soumettre aux valeurs traditionnelles du Liban et s’adapter à un mode de vie différent de celui qu’ils ont connu à Montréal. Les Abdelnour connaîtront ainsi un destin sinueux, car leurs rêves dépasseront leurs possibilités: ils devront se conformer aux coutumes, se rebeller ou quitter le pays.

Propos : L’oeuvre illustre la culture ultra-conservatrice du Liban de cette époque. L’auteure fait le constat d’une société rigide, en mettant en scène une famille victime de son pays natal.

Points forts :

  • Le roman fait découvrir au lecteur le Liban des années ’60 et son contexte socio-historique difficiles. Même si l’histoire met l’accent sur certains aspects négatifs de ces coutumes contraignantes, l’auteure décrit avec brio les décors exotiques du Liban, qui transportent le lecteur dans ce pays flamboyant. Le lecteur a donc l’impression de visiter un autre monde à travers les mots de Farhoud.

« Sin el Fil, un quartier du sud-est de Beyrouth grouillant de vie, plein de soleil, de poussière, de bruits, de cris […] des automobiles cabossées ou rutilantes roulant à toute vitesse, des chariots poussés par des vendeurs ambulants chantant leurs produits à pleins poumons […] petit poème pour la casserole à vendre et un plus beau encore pour le couteau » (p.9)

« Il faut bien que j’admette que mon père n’a pas exagéré: le soleil, les plages, les gens, si serviables, si gentils! » (p.35)

  • Tout au long du récit, la diversité des perspectives des personnages rend la lecture fluide et agréable. Par exemple, dans chaque chapitre, le Liban est vu différemment par les yeux d’Ikram, d’Adib ou de Faïzah, ce qui amène un contraste très intéressant entre les pensées des protagonistes.

« Chapitre 4: Ikram, la deuxième fille Abdelnour. Papa a raison: le Liban, c’est le plus beau pays du monde. » (p.35)

« Chapitre 5: Adib. Je déteste ce pays, ce pays qui m’a haché menu, ce pays qui m’a ôté d’un coup ma jeunesse, ma candeur, ma joie. » (p.39)

Point douloureux :

  •  Les personnages qui sont présentés dans le récit sont nombreux: les liens familiaux sont complexes à saisir au début, ce qui rend le lecteur confus et nuit à la lecture. Cette confusion est accentuée par le fait que le temps est mal établi dans l’histoire; plusieurs semaines peuvent passer entre les chapitres, sans que cela soit mentionné.

« Je vis avec ma femme, mes deux fillettes, ma mère et mon frère. Avec les cinq Abdelnour qui venaient d’arriver, trois adultes et deux enfants, ça faisait beaucoup. « Mais voyons, Youssef, mon fils, ce sont les enfants du fils de mon frère – qu’il soit béni et repose en paix -, ils sont les seuls descendants de mon frère mort dans la fleur de l’âge, leur place est dans mon cœur. » » (p.14)

  • L’intrigue manque de logique. Des situations magiques ou «bonbons» viennent soutenir la fiction et créent des rebondissements trop faciles. Il est difficile de s’imaginer que certaines scènes peuvent se conclure aussi facilement.

Après avoir perdu son ami de vue pendant longtemps, l’aîné de la famille le retrouve:

« Pour dire la vérité, j’espérais, mais je ne pensais pas que je le verrais, mon côté pessimiste empiète souvent sur mon espérance. Ara était là. Devant moi. Il avait à peine vieilli. […] J’étais là devant mon maître et mon ami, et toutes ces années passées n’avaient plus d’importance. […] Il m’a demandé sans préambule: tu veux travailler? […] « Mon assistant vient de partir pour l’Amérique, la place est libre, elle est à toi si tu la veux. » » (p.172)

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Malgré le fait que le roman amène le lecteur vers une ouverture sur le monde et vers une réflexion morale, éthique, sur la condition de la femme, nous pensons néanmoins qu’il ne mérite pas de gagner le Prix littéraire des collégiens. Si cette lecture nous fait réfléchir, ce l’intrigue nous a déçue, puisque l’auteure nous prend par la main. C’est un livre qui nous apprend le Liban, plutôt que de nous raconter une histoire.

Notre groupe attribue au livre une note de 6,23/10

Crédits photo: http://ici.radio-canada.ca/emissions/christiane_charette/2008-2009/chronique.asp?idChronique=151944

 

Citations préférées :

« Ce pays que ma sœur Faïzah appelle le Grand Soleil nous aveugle et nous soûle, avant de nous assommer. On se réveille avez le nez en sang et une vie perdue. » (p.60)

« C’est si surprenant, on a presque oublié ce qu’on a bien pu faire de si mal pour mériter ça. À cause de règles ancestrales, on n’a pas le droit de changer, d’évoluer. » (p.224)

PAR

Julie Aubin
Julie-Ann Desmarais
Camille Grenier
Camille St-Georges

 

Le corps des bêtes: avant le langage

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018                        

                                  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre : Le corps des bêtes

Auteur : Audrée Wilhelmy est une écrivaine québécoise née à Cap-Rouge. Elle habite aujourd’hui à Montréal. Elle a terminé, en décembre 2015, un doctorat en Études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal. Elle se consacre désormais à l’écriture romanesque.

Son premier roman, Oss, publié en 2011, a été finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada. Son deuxième roman, Les Sangs, a été publié en 2013. L’ouvrage a lui aussi été finaliste au Prix des libraires du Québec. Son troisième roman, Le corps des bêtes, a été publié en 2017.

Résumé :  Le corps des bêtes raconte l’histoire de la famille Borya qui s’isole dans un phare sur le bord de la mer. En s’éloignant du village et de la population, les Borya perdent peu à peu leur morale, leur culture, leur langage, bref leur humanité, pour vivre comme des animaux. Mie, l’aînée des enfants, pour en savoir davantage sur la sexualité, s’introduit dans l’esprit des bêtes. Plus tard, elle demande à son oncle de lui apprendre le « sexe des humains ».

Propos: Le roman aborde le fait de redevenir une bête, de remonter le temps vers notre passé d’hommes des cavernes. L’auteure aborde l’inceste, la perte du langage, la vie de clan et la sensualité. Comme le titre le dit, l’oeuvre témoigne du rapport au corps et de la bestialité, deux thèmes intimement liés.

Points forts :

  •  Le corps des bêtes est une oeuvre longuement réfléchie et extrêmement travaillée. Elle démontre un véritable potentiel artistique.

    « Derrière les fenêtres, la mort s’effiloche en cheveux le long du continent. » (p.58)

  • Le thème de la bestialité est très bien exploité, créant une richesse autant dans le récit que dans le style.

    « Toujours, elle a emprunté le corps des bêtes – oiseaux et poissons, mammifères, insectes minuscules. » (p.39)

  • Le roman possède une richesse autant dans le récit que dans le style.

    « Les bateaux qui passent ont des mâts ou des hélices; les mots peints sur leur coque parlent d’un ailleurs inimaginable.» (p.32)

Points douloureux :

  •  Le vocabulaire utilisé par l’auteure est plutôt complexe.

    « Quand la migration se poursuit, elle cherche d’autres bêtes: loup, campagnol, colvert, lapin, rat musqué, buse, carcajou; tous en rut ou en pariade.» (p.53)

  • L’œuvre est très chargée en images, ce qui peut rendre la lecture ardue.

    «Elle balance son crâne vers son échine, son gosier se tend: le cri émerge sans effort, du ventre vers le ciel.»

  • Il est impossible de se situer dans le temps et cela crée une confusion pendant la lecture. D’un chapitre à un autre, on peut passer d’une époque à vingt ans plus tôt sans que cela soit bien indiqué.

    « Les sept premiers mois de sa vie, Mie les passe contre sa mère. (…) Mie a construit une image dans sa tête: ses habits en pile propre et son corps sous le drap. Elle a imaginé Osip découvrant le linge d’abord (…), la découvrant, elle, ensuite» (p.122 et p.130)

 

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Le projet de ce roman est réussi et est intéressant à analyser, surtout en ce qui a trait aux thèmes, symboles et références bibliques. Malgré les efforts de l’auteure, Le corps des bêtes n’est pas plaisant à lire. Cette œuvre est trop lourde, le lecteur doit souvent prendre des pauses. Pour ces raisons, nous ne croyons pas que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens.

Notre groupe attribue au livre une note 4.86/10

Citation préférée :

« Elle ne sait pas lire les mots. C’est une enquête menée en images et en symbole inventés.» 

 

PAR

Julianne Brochu
Julie-Ann Desmarais
Amélie Lessard
Laurie Vigneault

 

Crédits photo: https://vivavilla.info/artistes/audree-wilhelmy/ 

Royal : Ode à la puissance obsessionnelle


Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018

Titre : Royal

Auteur : Jean-Philippe Baril Guérard est un jeune Québécois qui aura 30 ans cette année. Il a suivi une formation en tant que comédien à l’école de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe et, après avoir gradué en 2009, il s’est consacré exclusivement à l’écriture et à la mise en scène. Son premier roman, Sports et Divertissements, est paru en 2014. Entre-temps, il a coécrit Les cicatrisés de Saint-Sauvignac avec Sarah Berthiaume, Simon Boulerice et Mathieu Handfield.

Résumé : Tu entres à l’université. Tu te retrouves dans l’enfer des études de droits. « Au moins tu arrives à conserver la carrosserie quand tout ce qui est sous le capot est en train de lâcher. » Dans ta course aux stages, tu gardes tes ennemis près de toi, très près de toi. Pour dépasser tes échecs, tu dois effacer toute trace de ton humanité. C’est ainsi que tu deviendras le meilleur dans… le meilleur tout court. «Bonne chance.»

Propos : L’intégralité du roman repose sur trois thèmes: l’ambition, la déshumanisation et la destruction. On y retrouve aussi les troubles liés à la performance scolaire et les impacts de ceux-ci sur toutes les sphères de la vie des étudiants.

Points forts :

  •  L’implication du lecteur dans l’histoire. La narration à la deuxième personne du singulier implique le lecteur dans le récit. Il se surprend à vouloir lui aussi réussir à tout prix et est déstabilisé quand les choses tournent mal.

« On était trois jours avant le premier examen des intras. T’étais focus : t’avais commencé à consommer ton Concerta nasalement, en lignes, plutôt qu’oralement. » (p.81, Royal)

  • Les dialogues sont accrocheurs et hyper réalistes. Ils rappellent les interactions qu’ont les jeunes adultes. Il y a une tension qui persiste tout au long de l’oeuvre et les dialogues ajoutent de la fluidité.

« -Deuxième, Cousin Fred dit.

-Chaude, tu dis.

-Un bon exemple de mauvaise décision, elle, justement.

-C’est vrai que c’est beaucoup, les seins.

-L’ensemble, en général, c’est beaucoup.

-T’as goûté?

-Oui.

-Folle?

-Crazy. Regarde-la. » (p.34, Royal)

Points douloureux :

  • L’aspect sociopathe du protagoniste est parfois lourd et vient nuire à tous les aspect qui peuvent nous le rendre attachant.

« Je les ai pas, tes crisse de notes, Mike. Je suis pas assez con pour te voler ça. Je vais avoir ben plus de fun à te voir planter à l’examen en suivant les règles. C’est pas ça qu’on apprend, de toute façon, en droit? Planter le monde en suivant les règles? » (p.245, Royal)

  • Les phases de la crise existentielle du narrateur sont longues et nous sortent de l’histoire de ce dernier.

« Tu t’es mis à tout imaginer dans un million d’années. […] Tu t’es dit qu’effectivement, tout ça ne signifiait absolument rien, et que même si quelqu’un dans la classe, toi ou un autre, finissait par mériter une statue à son effigie, les statues mouraient elles aussi […] Tu t’es demandé quand le pavillon de droit finirait par arrêter d’être entretenu; tu t’es imaginé la nature reprendre ses droits… » (p.71, Royal)

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Crédits photos : Cindy Boyce

L’oeuvre a tout à fait sa place dans la compétition pour gagner le Prix littéraire des collégiens. La narration est séduisante et permet de s’attacher au personnage principal, malgré ses défauts. Il est vrai que les thèmes qui sont liés à la fuite et à la drogue manquent d’originalité. Par contre, les thèmes sur l’obsession de performance et le suicide sont amenés de façon originale et se fondent bien avec la personnalité du personnage principal. De plus, le récit touche à l’univers des collégiens.

Pour toutes ces raisons, notre groupe attribue au livre une note 7.67/10 à ce livre.

Citations préférées :

« Tous les êtres humains sont décevants: il faut seulement leur laisser le temps. » 

« T’as jamais été fan de dignité humaine de toute façon. »

PAR

David Hétu
Alex Laviolette

 

Mektoub: Fatalités d’un monde illusoire

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 

Titre: Mektoub

Auteur: Romancier, poète et dramaturge, Serge Lamothe œuvre dans le milieu littéraire depuis vingt ans et sait surprendre les publics québécois, américain et japonais avec des réalisations qui sortent de l’ordinaire. Son roman Tarquimpol (Éditions Alto) a été finaliste au Prix des libraires du Québec de 2007.

Résumé:  Maya, jeune femme téméraire, et Galaczy, archiviste à la vie monotone, se croisent de façon réelle et imaginaire toute leur vie durant. Coïncidence? Le titre suggère plutôt qu’il s’agit du destin. Tout semble tourner autour d’un accident survenu lors des Jeux olympiques de 1976, mais qu’en est-il vraiment?

Propos: Chacun perçoit la vie différemment, selon le filtre ou la croyance que l’on choisit.


Points forts:  

  • Serge Lamothe a une plume polyvalente, son style diffère d’un narrateur à l’autre.
    Par exemple, on peut voir le vocabulaire recherché du premier narrateur: « J’ai fait tabula rasa de toutes les inepties socialement acceptables, de toutes les turpitudes d’un quotidien néfaste et abêtissant, de toutes les conceptions erronées qu’on nous enfourne dans le crâne toute notre vie durant.» (p.12)
    La voix de Maya est plus rythmée: «Tu es ce puzzle insane, une énergie qui n’appartient pas à ce monde, une matière noire qui ravale toute la lumière du cosmos et la restitue sous la forme d’inestimables débris.» (p.81)
  • Les personnages sont solides. Celui de Maya est complet et bien construit, on connaît les détails de son enfance et de sa personnalité. Cela permet d’ancrer l’histoire dans le réel.
  • Le roman encourage le lecteur à faire des liens entre la vie des deux personnages. Parallèlement, il ébranle ses impressions en ne lui fournissant aucune confirmation ou explication quant à ce qui s’est réellement passé.
  • Dans le roman, on constate une recherche approfondie de chacun des points de vue, des croyances et des événements entourant les personnages. L’auteur s’est renseigné sur l’histoire de Montréal, l’astrologie, la futurologie, le système de recensement, la vie à Kuujjuaq, les traditions du Ghana, etc.

 

Points douloureux:

  • Le livre laisse incertain quant aux événements qui se sont produits ou non, car la barrière entre rêve et réalité est floue. Par exemple, d’un personnage à l’autre, les mêmes événements sont racontés différemment, ce qui pousse le lecteur à toujours devoir retourner en arrière. Cette zone de flou gênait la compréhension de l’histoire.
  • La fin du livre n’est pas claire et confronte le lecteur à l’incompréhension. Il est difficile de comprendre ce qui arrive aux personnages.

 

Est-ce que Mektoub mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens 2017?

Pour son style d’écriture polyvalent et son souci du détail, le roman de Serge Lamothe a des chances de gagner le prix littéraire. Toutefois, son caractère déstabilisant pourrait lui nuire lors du processus de vote.

Mektoub a reçu, dans notre groupe, la note de 7/10. Il reste dans le top trois des  cinq livres en lice.


Notre citation préférée
: « Jusqu’au tout dernier moment, on a le choix: on peut foncer tête première dans le piège que nous tend le destin, mais on peut tout aussi bien s’en détourner et poursuivre notre route sans être inquiété.»

 

Crédit photo: François Roy

PAR

Alexandre Gravel
Vicky Bérubé
Karolane Masson
Valérie Bergeron

Un hiver apocalyptique sous Le poids de la neige

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2017

Résultats de recherche d'images pour « le poids de la neige christian guay poliquin »Titre : Le poids de la neige

Auteur : Christian Guay-Poliquin, né en 1982, a publié en 2013 son premier roman Le fil des kilomètres chez La Peuplade.

Résumé : À la suite d’un grave accident de voiture, un homme se retrouve, avec les jambes cassées, dans une petite ville coupée du reste du monde. Matthias, un vieil homme temporairement installé au village, prend soin de lui.

Propos : Le roman traite de la solitude, de l’abandon, du vide existentiel et de la condition humaine.

Points forts :

  • Le roman se situe dans un temps et une époque indéterminés, dans un univers apocalyptique qui entraîne une inquiétude constante chez le lecteur. L’auteur réussit avec brio cette ambiance étouffante: «On dirait que je m’enfonce plus que je n’avance. Je guette la porte avec une crainte qui appartient aux animaux sauvages.»
  • L’auteur utilise des champs lexicaux qui tournent autour de la noirceur et du froid, ce qui crée une atmosphère lourde et réussie : «C’est l’hiver. Les journées sont brèves et glaciales. La neige montre les dents. Les grands espaces se recroquevillent.»
  • L’instinct de survie est accentué par l’individualisme de chacun des personnages. C’est en effet est rendu possible grâce à l’absence de leur état d’âme. 
  • Le texte lent propose un réalisme désarmant des événements vécus par les personnages. Chaque chapitre est défini par l’accumulation de neige au village, ce qui rend l’isolement des personnages étouffant.

Points douloureux :

  • Les personnages n’ont pas de personnalité, ce qui empêche les lecteurs de les trouver attachants. «Elle c’est Maria et l’autre c’est son mari, José, a-t-il déclaré en montrant la vétérinaire et le pharmacien.»
  • Malgré l’effet de réalisme, le roman contient parfois certaines longueurs qui peuvent ennuyer le lecteur.

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Christian Guay-Poliquin possède un style singulier, réaliste et qui lui taille une place de choix pour le Prix littéraire des collégiens.
Notre groupe attribue au Poids de la neige la note de 8.2/10.

Résultats de recherche d'images pour « christian guay poliquin »

 

 

Citation préférée du groupe: «Je rassemble mon courage et me retourne sur le dos, les bras en croix, les paumes vers le ciel. Autour de moi les ténèbres rôdent. La nuit a faim. Et les flocons sont carnivores.» 

 

Crédit photo: Laurence Grandbois-Bernard

PAR

Julyann Bénard
Marie-Anne Audet
Fannie Thibodeau

Les maisons en crise de la quarantaine

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2017

Titre: Les maisons

Auteur: Fanny Britt est une dramaturge d’importance au Québec. Elle a écrit, entre autres, Honey Pie en 2003 (sa toute première pièce), Enquête sur le pire en 2010, Chaque jour en 2011. Elle est aussi traductrice et essayiste. Elle est reconnue à travers le monde pour ses romans jeunesse qui ont été traduits en plusieurs langues.

Résumé:  Tessa, mère et courtière immobilière, est confrontée à la rencontre inattendue d’un amour de jeunesse. Cette rencontre va l’obliger à remettre en question ses choix personnels et familiaux.

Propos: Le doute qu’emmène la crise de la quarantaine.


Points forts:  

  • On remarque inévitablement que Fanny Britt a beaucoup d’expérience en écriture dramaturgique, ses dialogues se lisent comme une pièce de théâtre:
    —Francis, quelle horreur, cette conversation.
    —Je sais. Une de nos meilleures.
    —C’est pas drôle.
    —Pardon. Je pensais pas à mal.
    —T’as jamais pensé à mal.
    —Tu dis ça comme si c’était un problème.
    —Je suis pressée. J’ai un pont dans la voiture.
    Les dialogues sont efficaces, rythmés, à la fois sérieux et humoristiques.
  • Les personnages (principaux et secondaires) sont complets et complexes, ils ont une personnalité, des doutes, des habitudes de vie: «Je me réveille en sursaut lorsque Jim rentre, juste avant minuit. Les bruits familiers de la clé dans la porte, de son trombone qu’il dépose sur le plancher et de la chasse d’eau des toilettes [...]»
  • Le roman nous confronte à nos propres valeurs vis-à-vis l’infidélité. Tessa brisera-t-elle son couple pour aller vers un autre homme? Les questions au futur torturent le lecteur: « Jim souffrira de ça, et je vais le faire quand même.»
  • Le personnage principal n’est pas le seul à illustrer les doutes de la crise de la quarantaine. Chaque personnage possède ses propres doutes. Par exemple, le personnage de Sophie doute constamment d’être au bon endroit. Dans sa jeunesse, il lui est souvent arrivé de partir en autobus vers un lieu inconnu ou encore de tenter toutes sortes de choses afin d’essayer de se trouver.
  • La maturité du style de Fanny Britt est la grande force du roman. Sa narration est travaillée. On voit un registre de langue familier où le populaire s’invite de temps à autre sans que ce soit exagéré ou inutile. Cela rend le roman délicat. « Je fais oui de la tête, parce que, c’est vrai, il est possible qu’on se rappelle, je vends sa maison après tout, mais en même temps que ma tête fait oui, il y a mes yeux qui disent See you never, alligator, et il le sait […]»

Points douloureux:

  • Le personnage du frère de Tessa arrive brusquement. Tout à coup, la narratrice en parle comme étant extrêmement important dans son histoire personnelle, alors qu’aucune allusion à ce personnage n’avait été faite avant le coup de fil de Francis.
  • Les doutes de la narratrice s’effacent trop rapidement et facilement. Après seulement quelques minutes, lors de la rencontre finale avec Francis, les questions qui l’assaillaient ne tiennent plus.
  • La fin du livre ne répond pas à toutes les interrogations du lecteur. On reste sans réponses sur des questions importantes, notamment sur celles qui sont liées aux motivations des personnages à poursuivre une relation à long terme.

 

Est-ce que Les maisons mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens 2017?

Son propos rejoint les lecteurs, ses personnages sont complexes, complets et ses dialogues, efficaces. Malgré une fin qui ne répond que partiellement, nous semble-t-il, aux interrogations du lecteur, Les maisons, de Fanny Britt a reçu, dans notre groupe, la note de 7.8/10.
Nous croyons que ce livre mériterait de gagner le prix littéraire. Il est un véritable plaisir de lecture.

 

Notre citation préférée: « Combien de temps à gémir que je voulais le voir, juste le voir? Cesse-t-on de vouloir ce que l’on a ardemment voulu à vingt ans?»

 

Crédit photo: Julie Perreault

 

PAR

Liliane Tanguay
Claudia Laporte
Victor Bélair

Des femmes savantes: constat d’une aliénation sexuelle

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2017

Titre : Des femmes savantes

Auteur : Chloé Savoie-Bernard est doctorante en littérature. Elle a aussi publié Royaume scotch tape, qui est son premier recueil de poésie, en 2015.

Résumé : Au fil des nouvelles, des narratrices, somme toute semblables, partagent leur mal-être. Sexualité, maquillage, attentes irréalistes et déséquilibre émotionnel dessinent une génération de femmes sans repères.

Propos : Le recueil pose un regard sur les déviances et les obsessions sexuelles de jeunes femmes à la mode.

Points forts :

  • Le style est travaillé. Dans cette citation suivante, par exemple, la gradation utilisée affirme une volonté de modifier son apparence chez la narratrice  : « […] cultiver ma cellulite avec amour, faire écouter de l’opéra à mes bourrelets comme à des plantes vertes pour qu’ils grandissent le plus rapidement possible, oui, absolument, devenir grosse, devenir pesante, obèse morbide […] », Halle Berry et moi.
  • Il y a belle maîtrise de la langue, variant entre le populaire et le littéraire: « Et puis je n’ai même pas d’enfants à qui servir du lait chaud et des biscuits pendant que je me tue. Sorry, moi c’est pas Nelly Arcand […] », Tu baignes dans la lumière.
  • En général, les lecteurs du Prix littéraire des collégiens sont de la même génération que les personnages du recueil. On peut ainsi croire que le livre rejoint ici une partie de son public cible.
  • Les douleurs des personnages: le mal de vivre, les multiples insécurités, le culte du corps touchent une certaine universalité des émotions des lecteurs.
  • Les textes sont rythmés. Même si certaines phrases sont très longues, aucune lourdeur n’est créée par l’auteure ou ressentie par le lecteur.

Points douloureux :

  • Le style et le contenu sont actuellement très utilisés chez les jeunes auteurs, particulièrement sur internet (ex. La Fabrique crépue, Urbania,  les humoristes de l’heure).
  • Le livre trace un constat incomplet de la condition féminine, un portrait unidimensionnel de celle-ci. Par exemple, le lecteur n’a qu’une impression, en terminant, c’est que la sexualité chez les femmes les détruit.
  • La grossièreté des propos est tellement présente que la provocation transparaît et ne choque plus : « Je te lécherai les couilles et te mettrai un doigt dans le cul au moment opportun », Liste des raisons pour lesquelles tu devrais m’aimer.

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Pour son style travaillé et accrocheur, le livre de Chloé Savoie-Bernard mérite d’être finaliste au Prix littéraire des collégiens. Néanmoins, la lourdeur de la vulgarité et la redondance des personnages alourdissent la lecture. Cela justifie notre note de groupe: 5,7/10.


Citation préférée du groupe:

« J’ai claudiqué souvent, mais il s’agit peut-être seulement de me tordre les chevilles, d’aligner mes genoux, mes chevilles et mes pieds pour arrêter de marcher à côté de moi, pour marcher dans mes propres pas. »

Crédit photo: Pedro Ruiz, Le Devoir

PAR:
Claudia Barabé
Chloé Leclerc
Jearim Lillo
Vanessa Huard-Zomorano