Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2018
Titre : Au grand soleil cachez vos filles
Auteur : Abla Farhoud est une auteure, dramaturge et actrice québécoise. Originaire du Liban, elle a passé dix-neuf ans au Québec, mais est retournée vivre là-bas de 1965 à 1969. Puis, elle a étudié le théâtre à l’Université de Vincennes, à Paris. Elle demeure au Québec depuis 1973. Depuis 1990, elle se consacre à temps plein à l’écriture. Elle a écrit plusieurs pièces de théâtre, dont Les Filles du 5-10-15¢ (1993) et Jeux de Patience (1997). En 2017, elle a publié son cinquième roman, Au grand soleil cachez vos filles.
Résumé : Dans les années ’60, les membres de la famille Abdelnour retournent vivre au Liban, après être demeurés plusieurs années au Québec. Ils débarquent à Sin el Fil, avec l’espoir de retrouver un pays que plusieurs d’entre eux considèrent comme le plus beau du monde. Les parents ont six enfants, dont quatre sont adultes. Ils doivent tous se soumettre aux valeurs traditionnelles du Liban et s’adapter à un mode de vie différent de celui qu’ils ont connu à Montréal. Les Abdelnour connaîtront ainsi un destin sinueux, car leurs rêves dépasseront leurs possibilités: ils devront se conformer aux coutumes, se rebeller ou quitter le pays.
Propos : L’oeuvre illustre la culture ultra-conservatrice du Liban de cette époque. L’auteure fait le constat d’une société rigide, en mettant en scène une famille victime de son pays natal.
Points forts :
- Le roman fait découvrir au lecteur le Liban des années ’60 et son contexte socio-historique difficiles. Même si l’histoire met l’accent sur certains aspects négatifs de ces coutumes contraignantes, l’auteure décrit avec brio les décors exotiques du Liban, qui transportent le lecteur dans ce pays flamboyant. Le lecteur a donc l’impression de visiter un autre monde à travers les mots de Farhoud.
« Sin el Fil, un quartier du sud-est de Beyrouth grouillant de vie, plein de soleil, de poussière, de bruits, de cris […] des automobiles cabossées ou rutilantes roulant à toute vitesse, des chariots poussés par des vendeurs ambulants chantant leurs produits à pleins poumons […] petit poème pour la casserole à vendre et un plus beau encore pour le couteau » (p.9)
« Il faut bien que j’admette que mon père n’a pas exagéré: le soleil, les plages, les gens, si serviables, si gentils! » (p.35)
- Tout au long du récit, la diversité des perspectives des personnages rend la lecture fluide et agréable. Par exemple, dans chaque chapitre, le Liban est vu différemment par les yeux d’Ikram, d’Adib ou de Faïzah, ce qui amène un contraste très intéressant entre les pensées des protagonistes.
« Chapitre 4: Ikram, la deuxième fille Abdelnour. Papa a raison: le Liban, c’est le plus beau pays du monde. » (p.35)
« Chapitre 5: Adib. Je déteste ce pays, ce pays qui m’a haché menu, ce pays qui m’a ôté d’un coup ma jeunesse, ma candeur, ma joie. » (p.39)
Point douloureux :
- Les personnages qui sont présentés dans le récit sont nombreux: les liens familiaux sont complexes à saisir au début, ce qui rend le lecteur confus et nuit à la lecture. Cette confusion est accentuée par le fait que le temps est mal établi dans l’histoire; plusieurs semaines peuvent passer entre les chapitres, sans que cela soit mentionné.
« Je vis avec ma femme, mes deux fillettes, ma mère et mon frère. Avec les cinq Abdelnour qui venaient d’arriver, trois adultes et deux enfants, ça faisait beaucoup. « Mais voyons, Youssef, mon fils, ce sont les enfants du fils de mon frère – qu’il soit béni et repose en paix -, ils sont les seuls descendants de mon frère mort dans la fleur de l’âge, leur place est dans mon cœur. » » (p.14)
- L’intrigue manque de logique. Des situations magiques ou «bonbons» viennent soutenir la fiction et créent des rebondissements trop faciles. Il est difficile de s’imaginer que certaines scènes peuvent se conclure aussi facilement.
Après avoir perdu son ami de vue pendant longtemps, l’aîné de la famille le retrouve:
« Pour dire la vérité, j’espérais, mais je ne pensais pas que je le verrais, mon côté pessimiste empiète souvent sur mon espérance. Ara était là. Devant moi. Il avait à peine vieilli. […] J’étais là devant mon maître et mon ami, et toutes ces années passées n’avaient plus d’importance. […] Il m’a demandé sans préambule: tu veux travailler? […] « Mon assistant vient de partir pour l’Amérique, la place est libre, elle est à toi si tu la veux. » » (p.172)
Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?
Malgré le fait que le roman amène le lecteur vers une ouverture sur le monde et vers une réflexion morale, éthique, sur la condition de la femme, nous pensons néanmoins qu’il ne mérite pas de gagner le Prix littéraire des collégiens. Si cette lecture nous fait réfléchir, ce l’intrigue nous a déçue, puisque l’auteure nous prend par la main. C’est un livre qui nous apprend le Liban, plutôt que de nous raconter une histoire.
Notre groupe attribue au livre une note de 6,23/10
Citations préférées :
« Ce pays que ma sœur Faïzah appelle le Grand Soleil nous aveugle et nous soûle, avant de nous assommer. On se réveille avez le nez en sang et une vie perdue. » (p.60)
« C’est si surprenant, on a presque oublié ce qu’on a bien pu faire de si mal pour mériter ça. À cause de règles ancestrales, on n’a pas le droit de changer, d’évoluer. » (p.224)
PAR
Julie Aubin
Julie-Ann Desmarais
Camille Grenier
Camille St-Georges