Critique de Tireur embusqué

Shams est un adolescent récemment déporté de la Syrie, alors en pleine guerre civile. Alors qu’il peine à s’habituer aux hivers rudes et aux différentes mœurs du Québec, il est forcé de rencontrer un psychothérapeute après s’être battu avec un autre élève. L’auteur de Tireur embusqué, Jean-Pierre Gorkynian , nous amène dans la tête d’un jeune homme au passé trouble, où la violence faisait partie du quotidien.

Tireur embusqué mélange plusieurs genres littéraires, comme le récit d’apprentissage et le récit de guerre que l’on retrouve plus particulièrement avec les nombreux retours en arrière. Le récit se démarque par une connaissance maîtrisée de l’auteur de la culture, de la langue et des excentricités des peuples Québécois et Syriens, mise en évidence à l’aide d’un parallèle envoûtant créé avec l’arrivée de Shams au Québec. De plus, Gorkynian partage un vocabulaire proche de la réalité des adolescents Québécois, véhiculé par le personnage de Kevin. «Yo, tu m’as jamais conté ce que tu voulais faire plus tard, qu’il me dit.

-Plus tard?

-Ben dans la vie (…). Je me retourne vers Kevin et réponds:

-J’pense que… j’aimerais bien retrouver mon quartier, ma maison»

C’est une lecture qui vous fera prendre conscience du choc que vivent les déportés Syriens. Cependant, Tireur embusqué souffre à cause de ses aspects techniques défaillants. Il est possible de lui reprocher un manque de fluidité et d’incorporer des scènes forcées pour faire avancer le récit. Ce manque de réalisme peut facilement retirer un lecteur de l’histoire. C’est, toutefois, une erreur que l’on aperçoit souvent chez les écrivains en général. Malgré tout, il faut croire que ces petits défauts n’ont pas miné mon appréciation pour ce livre qui méritait de gagner le prix littéraire des collégiens. Ce titre, il est touchant et c’est tout ce qu’il y a à savoir.

Par Zachary Legault

Critique d’Une joie sans remède

Une joie sans remède, de Mélissa Grégoire, raconte l’histoire de Marie, une enseignante en littérature au cégep, qu’un deuxième arrêt de travail force à se questionner sur ses choix. Incapable de transmettre sa passion pour la littérature à ses étudiants, la femme de trente-trois ans est frappée par une dépression sévère. Elle entreprend alors une longue démarche d’introspection. Avec, entre autres, l’aide de la psychanalyse, elle tente de se réconcilier avec ses faiblesses, ses échecs et ses limites, ainsi que de faire le deuil de l’enfant qu’elle n’aura jamais eu.  

Une joie sans remède nous confronte à un obstacle éprouvant auquel font face beaucoup d’enseignants : l’inaptitude de transmettre une culture qui les fait pourtant vibrer.  Cette problématique touchera certainement bon nombre de lecteurs, pour qui la crainte de voir la culture s’éteindre n’est probablement que trop familière. 

Mélissa Grégoire est une écrivaine à la plume directe et claire. En effet, Une joie sans remède est un texte sans grande ornementation ou enjolivure, qui va droit au but. Pourtant, l’œuvre n’est pas dépourvue de style. L’écrivaine nous démontre à travers cette écriture franche sa capacité à transmettre par les mots les émotions d’un personnage, ici celles de son personnage principal, Marie, dont le malheur est palpable.  

« J’ai envie de mettre un écriteau sur la porte : “ Fatiguée, très fatiguée. Ne pas déranger ”. Envie d’éplucher des patates, de faire de la soupe aux légumes. Envie de rentrer dans le silence. » 

Le texte ne suit pas une chronologie parfaite. Il est entrecoupé par les observations de Marie et par les souvenirs qu’elles lui suscitent, aspect qui ralentit le rythme de l’histoire, mais qui, encore une fois, crée un lien d’intimité entre le lecteur et le personnage principal. Cependant, cette lenteur confère inévitablement une certaine lourdeur à la lecture. Malgré cela, Une joie sans remède est une œuvre touchante et vraie qui nous donne envie de serrer sa protagoniste dans nos bras pour la rassurer.   

Par Marianne Lavallée

Critique de Ténèbre

Dans Ténèbre, Paul Kawczak raconte la colonisation par l’histoire de Pierre Claes, un géomètre belge qui, sous les ordres du roi Léopold II, doit découper à même la terre la carte de l’Afrique telle qu’elle a été tracée par les décideurs européens. Il fait la rencontre de Xi Xiao, un bourreau chinois spécialisé dans l’art de la découpe humaine et qui voit l’avenir, et en tombe amoureux lors des expéditions. Le racisme, la mutilation et l’érotisme font partie intégrante de ce récit d’aventures enlevant. 

L’auteur a définitivement saisi l’étendue de la nature humaine, de la douleur du deuil au sentiment de compétition, de la grandeur de l’amour au racisme le plus virulent. En mettant côte à côte la violence et la poésie, cette œuvre parvient à marquer les esprits. Ainsi, la douleur de Vanderdorpe lorsqu’il apprend que Manon Blanche, celle qu’il veut aimer depuis quatre ans, a un amoureux, est décrite poétiquement : « Vanderdorpe avait pleuré comme un enfant qui vient de perdre à un jeu. Parce que la vie était injuste, que tout bêtement, […], il venait de tout perdre et que se liquéfiait en ce début d’après-midi, en ce début de guerre, ce qu’il lui restait de mensonge et d’avenir. »

Si la longueur de certaines phrases peut rendre la lecture difficile, cela marque davantage la distinction entre ce type de phrases et celles qui, très courtes, parsèment le récit en amplifiant une impression de fatigue et de manque de souffle. On le constate lorsque Claes est atteint d’une intense fièvre : « La peur sourdait de ses pores, inondant les draps de fièvre et d’obsessions. Glaçant, cassant sa vie. Jusque dans les os. La réalité réalisée. L’angoisse. L’abandon. Jamais autant de mort, la rage d’une dent, d’un corps. Le mauvais goût de l’existence. »   

Somme toute, Ténèbre est une œuvre captivante qui mérite amplement d’être lue. L’authenticité des personnages et la présence du réalisme magique en font un livre à mettre dans toutes les bibliothèques.

Par Clarisse Mercedes Carrière

Zachary et ses drôles de Dames

Si notre parcours au cégep devait porter un titre, ce serait probablement celui-là. Ce serait l’histoire d’un homme et de douze femmes cherchant tant bien que mal à obtenir leur DEC. Tel un texte de création littéraire, notre cohorte a beaucoup changé depuis la première fois que nous nous sommes rencontrés. Depuis que les Littérateux se sont formés.

Nous étions la classe d’Arts, lettres et communication en profil littérature. Un groupe de 20 élèves.

Nous devions avoir une nuit de folie, il y a eu la pandémie.

Nous devions recevoir des chandails de notre programme, la production a été annulée.

Nous devions tous obtenir notre diplôme ensemble, certains de nous sont partis.

Nous ne sommes plus que treize, mais nous ne manquerons pas notre sortie!

Nous sommes devenus des amis, des camarades de classe et même des collègues de boîte à lunch. Nous sommes devenus un groupe homogène et hétéroclite partageant la même passion : jaser avec nos professeurs! Que de souvenirs en cours d’histoire de l’art avec des tableaux représentant des pizzas, une peinture transformée en barbecue et des amourettes pour des peintres morts depuis belle lurette!

Péripéties après péripéties, notre conte a pris forme; nous sommes devenus un nombre impair, nos personnages naviguaient dans le merveilleux et notre synergie était magique. La morale de notre histoire est que nous n’avons pas pu vivre toute l’expérience du cégep, mais au moins nous en avons profité au comble créatif de nos esprits!

Nous n’avons peut-être pas pleuré dans le cours de Roxanne Bouchard, mais nous sortirons certainement les mouchoirs à notre départ.

Par Marie-Lous Lessard et Flavie Caron Leblanc

Sur la photo; Anne-Sophie Gagnon, Sabrina Bleau, Providence Dion, Marie-Pier Beaunoyer, Gabrielle Côté, Marie-Lous Lessard, Carolane Clermont de Foie, Alice Violette, Marianne Lavallée, Alicia Arcand, Flavie Caron-Leblanc, Clarisse Mercedes Carrière et Zachary Legault.

Aka : l’oiseau de la paix, Celle qui n’a pas de surnom, La fée dragée des bonbons, Pocahontas, La belle aux bois dormant, Marie-Lous avec un Ssss, L’antisociale, Frisée 2, Frisée 1, Cendrillon, L’apprentie humoriste, Clarisse ou Clarisse Mercedes, et Gobelin.

L’évasion d’Arthur ou la Commune d’Hochelaga

L’évasion d’Arthur ou la Commune d’Hochelaga, premier roman de Simon Leduc, raconte l’histoire d’Arthur, enfant âgé d’une dizaine d’années, qui vit entre un père qui fait les poubelles pour fabriquer des inventions qui fonctionnent rarement et une mère travailleuse sociale, un peu névrosée. À l’école, la vie y est difficile, car l’enfant est tyrannisé par les RJ (trois petits voyous de l’école) dans la cour de récréation. Les fugues seront alors la solution pour fuir la réalité qui l’entoure au quotidien. Sa vie reprendra un semblant de stabilité avec sa rencontre avec Choukri, alias Barbe Bleue, un homme souffrant de schizophrénie, mais d’une grande intelligence et d’une grande sensibilité. Sa découverte de la Commune d’Hochelaga changera sa vie de manière radicale et lui fera vivre des aventures toutes plus intenses les unes que les autres.

L’œuvre, qui compte plus de 300 pages, contient en son sein plus de narrateurs que les doigts d’une seule main. L’auteur va jusqu’à prendre la parole afin de s’adresser au lecteur : « S’ils se sont rendus jusqu’ici, la lectrice et le lecteur ont déjà dû accepter bien des invraisemblances, comme un mois qui n’en finit pas, un enfant qui parle trop savamment […] et puis quoi encore ? Leur patience a-t-elle atteint ses limites ? » Beaucoup d’invraisemblances sont présentes dans le récit, mais on peut comprendre à ce moment-là que c’est exactement l’effet recherché par l’auteur.

Le roman nous offre aussi une belle leçon de vie. Il nous permet de découvrir que même les personnages les plus stables sont remplis de névrose et d’autodestruction et que des personnages souffrant de maladies mentales possèdent une hypersensibilité face au monde qui les entoure : « Choukri pile sur une bouteille de plastique remontée à la surface. Briser des choses, ça le connait. Assez pour qu’il sache identifier le son d’un enfant qui craque. » À cause de sa maladie, Choukri vit dans son propre monde délirant, mais est parfaitement conscient du tourment d’Arthur, et se donnera pour mission la protection de l’enfant.

En mélangeant à la fois réalisme et invraisemblance, l’auteur nous livre une œuvre abracadabrante qui nous touche en plein cœur et dont la fin nous fait tendrement sourire.

Par Déborah Vallier

Shuni

Shuni, troisième livre de Naomi Fontaine, écrivaine d’origine innue, met de l’avant une vision différente des Autochtones. L’œuvre est faite d’anecdotes que l’auteure nous raconte et il en découle beaucoup de sensibilité et d’humanité. Ce récit est une lettre écrite à une amie d’enfance, Julie, aussi appelée Shuni. L’auteure lui fait part de ce qu’elle a manqué depuis qu’elles se sont perdues de vue tout en lui expliquant ce qu’est la vie d’une Autochtone.

La narratrice défend son peuple, tout en étant calme, ne laissant transparaître aucune colère et n’accusant personne pour les conditions de vie de son peuple. Elle affirme qu’il y a certains Innus qui ont plus de difficulté que d’autres à réussir. Ceux-ci joignent les statistiques, mais ce n’est pas le cas de tous : « Un journaliste, certainement très au courant des chiffres, m’a demandé comment […] je m’y étais prise pour réussir mon parcours scolaire jusqu’à être diplômée de l’université. » Fontaine souligne les faux-semblants que les statistiques peuvent causer. Ces chiffres sont parfois considérés comme la destinée des autochtones. 

 Tout au long de son œuvre, la narratrice dépeint de façon dynamique quel genre de peuple les Autochtones sont: « Souvent, nous sommes déraisonnables dans notre joie ou notre colère. Souvent, nous nous laissons emporter quand il vaudrait mieux garder son calme, prendre le temps de respirer. […] nous laissons notre cœur dicter seul nos actions. Sans anticiper les conséquences. » La narratrice nous fait voir la chance qu’ils ont d’être aussi « sensitifs » et attachés à leurs valeurs ancestrales. Cette œuvre est une porte ouverte sur un peuple souvent méprisé et victime de racisme.

Par moments trop moralisateur, ce récit est toutefois un bel hommage aux Innus. Il nous montre sous un angle différent les Premières Nations ainsi que leur force de caractère.

Par Kim Ratelle

Ouvrir son coeur

Ouvrir son cœur, récit d’Alexie Morin, dépeint les traumatismes d’enfance de la narratrice. À travers ses conflits entre amies, l’intimidation et les défis de son TDAH, elle revisite son passé pour mieux se comprendre et mettre un baume sur le passé.

Malheureusement, les sujets abordés apportent un ton lourd au récit. La façon dont la narratrice aborde ses souvenirs donne une impression de plaintes sans fin par rapport à sa vie : le rejet qu’elle a vécu de la part de sa meilleure amie, ses difficultés liées à son TDAH et son sentiment d’être sans cesse incomprise. Le fil conducteur qui unit les sujets abordés n’est pas toujours évident, surtout lorsque le récit vire au discours informatif. C’est le cas, par exemple, lorsqu’elle explique son problème d’œil :«Dans beaucoup de cas, le cristallin peut ajuster l’image, la replacer sur la rétine en se contractant. On appelle ce phénomène «accommodation », et plusieurs cas d’hypermétropie faible passent inaperçus grâce à lui. »

Par contre, à travers les anecdotes racontées, la narratrice montre sa force de caractère. En effet, elle laisse voir ce qu’elle a dû surmonter à travers les années pour arriver où elle est aujourd’hui. Étant une jeune fille incomprise et différente aux yeux des autres, elle a dû se forger un caractère lui permettant de passer à travers ses épreuves. Dans son récit, une quête du souvenir est effectuée, ce qui donne lieu à l’exploration de ses sentiments d’une façon touchante : «Quand je repense au dessin et à la peinture, je dois admettre que j’ai perdu quelque chose, un lien plus direct et fécond avec […] mon propre talent, mon moi profond».

La narratrice semble avoir cherché à donner un sens à son enfance. Tristement, son récit est décousu et il est difficile de s’y retrouver. Un roman plus court où on y retrouve l’essentiel aurait été plus efficace.

Par Laurence Charlebois

Les offrandes

Le nouveau roman de Louis Carmain, Les offrandes, est une œuvre pleine de vie et de couleurs. Dans l’univers tropical du Mexique évolue le personnage de Maude, une jeune Québécoise vingtenaire et enquêtrice spécialisée en disparition d’animaux. Tout commence lorsque son ex-belle-mère lui demande d’enquêter sur le meurtre de deux sœurs retrouvées pendues dans la cour de l’immeuble où elles travaillent. Tout en suivant Maude dans sa captivante enquête, le lecteur rencontre des personnages plus magistraux les uns que les autres et visite les bas-fonds sinistres du Mexique tout comme les multiples couleurs locales du pays.

« Maude Cantin Espejo, donc. Tous les Mexicains massacraient son prénom : Maoudé. Et puis ce nom de famille étrangement hybride dont elle résumait rapidement l’origine : son père avait été Gaspésien, sa mère Yucateca. »

Alors que le roman nous plonge dans une nouvelle culture, l’identité québécoise du personnage principal nous permet de nous y attacher. On y est dépaysé, mais pas totalement. Elle a un nom qu’on connait, des origines près des nôtres, des références qu’on comprend. C’est ce qui rend le roman accessible. En revanche, on connait peu du passé du personnage. En savoir un peu plus sur elle la rendrait certainement plus humaine et encore plus attachante.

« C’était une Mexicaine comme il y en a plein, mais comme les non-Mexicains pensent qu’il n’y en a pas. Elle semblait intelligente. »

L’habile plume de Carmain, en plus d’une légère touche d’humour et d’un fil conducteur clair, permet une enquête longue et périlleuse, sans être ennuyante. Les informations sont données au compte-goutte, précautionneusement, de sorte qu’on y reste accroché tout au long de notre lecture.

Somme toute, Les offrandes, de Louis Carmain est sans aucun doute un indispensable pour les amateurs d’intrigue quasi indéchiffrable et de suspense angoissant. C’est un nouvel incontournable de la littérature d’ici.

Par Méliane Quessy

Suzanne Travolta

Suzanne Travolta, d’Élisabeth Benoit, est un roman intéressant à bien des égards. Superposant une histoire de suicide, une enquête policière et le quotidien des personnages principaux, l’auteur a su manier sa plume pour créer une œuvre pour le moins intrigante.

Le roman débute avec le suicide de Marie-Josée, la sœur de Laurent, une vedette de télévision locale. Elle vivait sur la même rue que Suzanne Travolta, la protagoniste. Pour une raison mystérieuse, Bob et Mike, deux détectives un peu louches, sont chargés d’enquêter sur cette dernière. Tout au long du roman, la narration est partagée entre Bob et Suzanne. Cette caractéristique est un des points forts de ce roman puisqu’elle permet de jeter un regard différent sur le personnage énigmatique et discret de Suzanne Travolta.  

D’ailleurs, les nombreux retours dans le passé sont un autre point positif de l’œuvre. Laurent et Raymond, son ami d’enfance, semblent tous deux éprouver des sentiments amoureux pour Suzanne. Au fil de leurs discussions, ils racontent de nombreuses anecdotes de jeunesse à cette dernière. À de rares occasions, Suzanne elle-même se confie à propos de sa vie passée. Ces sauts dans le temps nous en apprennent plus sur les personnages, mais contribuent surtout à les rendre plus mystérieux.  « Moi-même j’avais été élevée par quelqu’un d’autre, comme on dit, moi-même je n’avais pas été élevée par ma mère et par mon père, mais par des femmes payées par mes parents ».

Suzanne Travolta n’est pas une œuvre parfaite et possède quelques légers défauts, à commencer par les longs paragraphes et les phrases qui semblent ne jamais finir. « Il avait fallu, tout au long des funérailles de Marie-Josée, qu’elle explique à à peu près tout le monde à quel point Marie-Josée et elles étaient liées au fond, et ce souvenir soudain était venu me hanter alors que Ray continuait à me parler du frère et de ce fameux canapé Bauhaus sur lequel je m’étais déjà assise, je le savais, mais sans pourtant remarquer ce fameux canapé Bauhaus, je n’étais pas du genre à faire une remarque sur un canapé Bauhaus. » Dans cette œuvre, un paragraphe peut s’échelonner sur sept ou même huit pages. Ce rythme donne parfois l’impression que la lecture ne finira jamais.

En somme, bien que Suzanne Travolta présente certains points faibles, cela reste tout de même une œuvre qui mérite que l’on s’y attarde.

Par Nadine Forget

Tu as besoin de lui

À chaque fois que tu le voyais, ton corps réagissait automatiquement. Tes yeux brillaient d’un éclat pur, tu frissonnais de plaisir et ton cœur battait follement. Tu savourais chaque moment que tu passais avec lui. C’était comme si tu te réveillais en sa présence. Après tout, tu avais la chance de profiter de lui chaque jour. Ah que c’était l’amour fou! Tout le monde qui te voyait avec lui le comprenait.

Mais la crise devait arriver et tu es privée de lui.

Ça fait deux semaines que tu ne l’as pas vu. Tu trembles tellement tu as besoin de lui. Tu as essayé de soulager ta peine en regardant des photos de lui sur Google, mais ça ne suffit pas. Tu dois l’avoir à tes côtés!

Il est si loin et si près à la fois, mais tu ne peux pas te risquer : les autorités ne considèrent pas cela comme un besoin essentiel. En plus, tu n’as pas le permis. Il te faut quelqu’un pour t’emmener vers lui. Ce n’est pas subtil, deux personnes dans une voiture : les policiers pourraient vous arrêter et vous donner une amende que tu n’as pas les moyens de payer.

Ta mère te dit de lire des livres de romance et d’essayer de l’imaginer au lieu de l’homme de fiction qui fait tant rêver les femmes. « Après tout, tu es enfermée dans la maison et tu en as, des livres! », dit-elle. Tu as essayé, mais ça ne s’appliquait pas à ta relation. Il est trop parfait, lui, pour être comparé à ces barbares qui tranchent la tête à ceux qui s’approchent trop de leur bien-aimée. Ton amour ne ferait jamais ça.

Ta mère ne comprend pas. Personne ne comprend tes sentiments pour lui. Les autres comprennent que tu es amoureuse, mais ils ne savent pas à quel point. Ils voient toutefois que tu souffres doucement face à la crise.

On dirait que son absence te fait perdre de l’énergie. Tu as même maigri. Certains disent que tu es dépendante de lui et que c’est mieux que vous soyez séparés pendant un bout de temps. Mais est-ce une dépendance s’il ne te fait sentir que du bonheur? Il n’est pas toxique. Il ne te battrait pas. Il te donne même de la force de survivre à tes journées. Les gens ne voient-ils pas que tu souffres sans lui?

La nuit, tu pleures. Tu ne comprends pas pourquoi la vie en a décidé ainsi. Sa présence te manque tellement que tu le vois dans tes rêves. Il est si loin là-bas… Tu désespères quand tu te poses la question : « Et si jamais je ne le revoyais pas? » Peux-tu survivre sans lui?

Non, il faut que tu te contrôles. Il le faut! Il est ta raison de vivre. Il est l’amour de ta vie, le seul qui te comprend. Il est tellement parfait qu’il sent même le caramel. Tu le reverras! Un jour, tu pourras sortir dehors. Tu vas le revoir! Il faut que tu le croies. Ne va pas tomber plus bas dans la déprime.

Quand tout cela sera fini, tu te dépêcheras pour le rencontrer. Rien ne pourra t’empêcher. On te conduira vers lui. Tu enrouleras tes doigts autour de son gobelet froid. La paille entre les dents, tu soupireras de bonheur. Tout ce temps d’attente te le fera mériter, ton cappuccino glacé au caramel salé.

Par Alexia Malo