L’amour mouillé

Il était une fois, dans une grande ville bondée de monde, une petite boule composée de poils et de tentacules, par lesquels sortait toujours une sorte de petit liquide vert. Son nom était Suriv et dès qu’il s’approchait des gens, ceux-ci partaient en courant. Suriv était très triste dans cette ville immense où personne ne voulait de lui. Un bon matin, il décida de se faire un tout petit sac et d’y mettre son manteau, sa brosse à dents, son livre favori ainsi que deux petits morceaux de chocolat et d’enfin quitter son doux dépotoir.

Après déjà 26 jours de voyage dans plus de 132 pays, le pauvre Suriv n’avait toujours pas trouvé d’endroit où se sentir chez lui. Il était pourtant allé partout; dans les centres commerciaux, dans les hôpitaux, dans les parcs, mais même les enfants ne voulaient rien savoir de lui. Tout le monde le chassait.

Un jour, il trouva un endroit comme il n’en avait jamais vu! Il y avait des jeux, des glissades, des tapis et de l’eau partout. Juste à regarder tout cela, ses tentacules se mirent à suinter comme elles ne l’avaient jamais fait. En moins de deux minutes, la piscine dans laquelle il venait de plonger s’était transformée en un liquide encore plus collant qu’un pot de glu. C’était le plus bel endroit au monde, il en était sûr.  Après tout, l’humidité, c’était ce qui le gardait en vie.

Dans son joli château, les journées passent et se ressemblent.  Il glisse, se fait bronzer sous les néons, joue au ballon… Mais peu importe l’activité qu’il fait, il se sent extrêmement seul. Il voudrait pouvoir donner au monde entier tout ce qui l’habite, mais ce dernier ne cesse d’augmenter les façons de l’éloigner.   

Un jour, Suriv décida d’aller explorer le sous-sol. C’est alors qu’il y découvrit plusieurs serviettes qui empestaient. Il y accourut pour inhaler d’un peu plus près cette divine senteur.

-Ah! Que c’est bon d’enfin se sentir chez soi!

-Mais qui es-tu? Que fais-tu chez moi?

Une petite boule, de la même grosseur que Suriv, sortit de sous le tas de serviettes. Celle-ci se distinguait par ses gros trous à la place des tentacules.

-Je ne comprends pas, c’est chez moi ici! Ça fait déjà 2 mois que j’habite en haut et je ne t’ai jamais vu.

-Moi, c’est Eirétcab! Je me cache ici depuis déjà onze ans. Les humains ne voulaient rien savoir de moi, et dès que je m’approchais d’eux, ils s’enfuyaient. Ils ont même créé un antidote qui réussirait à me tuer en un rien de temps. Et toi, pourquoi es-tu ici?

-Je m’appelle Suriv! J’ai seulement été découvert il y a cinq mois! J’ai déjà fait le tour du monde, mais personne ne veut de moi. Tu es la première à m’adresser la parole.

-Je crois que j’ai attendu quelqu’un comme toi toute ma vie.

Eirétcab fut surprise de voir que le centre aquatique était totalement désert. Elle n’avait jamais assisté à quoi que ce soit du genre. Elle pouvait enfin profiter de tous ces jeux avec le petit monstre qu’elle aimait. La hideuse beauté poilue laissait une trace rose gluante partout où elle passait, ce qui permettait à son bien-aimé de la retrouver peu importe où elle allait.

Ils jouèrent ainsi, dans leur palais humide, pendant encore plusieurs années, jusqu’au jour où Eirétcab eut un petit garçon, qui à lui seul était plus destructeur que ses deux parents réunis. Il leur en voulait tellement de l’obliger à vivre enfermé qu’il les tua sans aucun remords.

 On eut ici la preuve que ce que crée l’amour est plus fort que tout. 

Par Emy Laviolette

Minuit intime

Les Grands Connes au pays de l’autofiction, par William-Alexandre Ross

Il est temps de nous diriger vers un local du cégep dont l’aura est assez puissante pour nous faire apprendre activement : la salle d’apprentissage actif. Nous sommes escortés par les gourous de la secte littéraire de minuit : Louis Cornellier, Roxanne Bouchard, et Mathieu Payette, ainsi que leur laquais, Raphaël Desroches.

Dans la salle se trouve, debout sur son piédestal, Véronique Marcotte, femme de lettres, de récit et d’autofiction. Louis Cornellier s’empresse de s’asseoir au fond de la salle, les yeux lourds : son couvre-feu de 20h30 était déjà passé depuis beaucoup trop longtemps. Mais le sujet, qui demande de fouiller dans notre mémoire, est tenace : on semble voir, dans ses yeux rêveurs, le souvenir des belles années de sa jeunesse.

Je m’assois avec  mon équipe supposément forte et intelligente, les Grands connes. Tout de suite, nous sommes plongés dans un profond enthousiasme à l’écoute de Véronique Marcotte, qui s’empresse de nous raconter avec humour et joie ce qu’on doit mettre dans un récit d’autofiction. Exagérer est bon, c’est ce qu’il faut pour capter l’attention du lecteur, parce qu’une simple virée au dépanneur n’a rien de véritablement intéressant. Il faut magnifier la chose. Le « je » est primordial pour intégrer un rapport personnel à l’œuvre. L’anecdote est le cœur du jeu, mais toutes ne sont pas aptes à devenir littéraires. Elle enchaîne avec le sujet de la peur, en nous racontant une anecdote qu’elle a déjà insérée dans l’un de ses livres, à propos d’un voyage en Haïti qui aurait mal tourné.

Véronique nous demande d’écrire un texte qui s’inspire à la fois du réel et du mensonge. Les Grands connes semblent tourner autour du pot : Charles-Éric continue de parler de ses amours passées de bar, je continue de manger des bonbons à la pêche en essayant toujours de convaincre mes compatriotes que Hochelagurls n’est pas un bon recueil de poésie. Maxime et Samy-Kim me demandent de me la fermer et Emy essaie d’écrire l’exercice demandé.

Véronique nous laisse la parole. Elle demande aux lettrés de conter une histoire qui nous est déjà arrivée et qui nous a fait peur. Léa, dont les souvenirs reviennent d’un coup, ne peut garder cela en dedans. D’un bond, elle se lève et nous ébranle tous en nous révélant la terrible histoire de son frère qui lui a lancé un ballon à la figure. Sonnée, elle se rassoit doucement, le nez qui saigne encore après tant d’années.

Le moment venu de lire les textes, Roxanne Bouchard, femme d’une autorité extrême qu’elle est, crie « Hey! Ho! Hm! Hm! Debout! » à tous ceux et celles qui ne lisent pas debout. Ses petits cris secs réveillent Louis Cornellier, au fond de la salle, qui s’était endormi, rêvant d’un idéal poétique. De son côté, Mathieu Payette, ricaneur de personnalité, semble se dire qu’il ne succombera pas, lui, à la tentation d’aller sommeiller.

Les textes sont tous bons, sauf, bien entendu, celui de mon équipe. Si, au moins, on ne s’était pas attardés sur les bonbons, les mauvais recueils de poésie et les mauvais gars de bar, on aurait pu faire un bon récit.

L’activité finie, nous remercions Valérie Marcotte et nous quittons la salle, en prenant bien soin de ne pas faire trop de bruit pour Louis Cornellier qui s’est rendormi, et nous fermons la lumière. Par surprise, je constate que Mathieu Payette n’est plus avec nous : cet homme, en qui nous avions confiance, est parti dormir lui aussi!

La salle aux perles, par Marie-Soleil Tousignant

Après l’activité sur le mensonge vient l’heure de vérité. Il est minuit, l’heure où la lune est à son zénith et où les véritables visages sont démasqués… Minuit cinq pour être exact. William-Alexandre, toujours sous l’influence des pêches en gélatine peine à rester en place, ce qui lui vaut un ou deux feulements de la part de la maîtresse de la théâtralité, Renée Gaudet. Nous nous réunissons dans la Grotte (le fameux D-213 ou la «salle du conseil»). Renée nous invite alors à aller chercher les photos de nous à l’âge de douze ans, qui sont disposées sur une table qui rappelle plus un autel qu’autre chose, où sont posées des peluches géantes. Nous savons à quoi nous attendre, nous allons devoir écrire à nous-mêmes, et ce, à l’ancienne. Il s’agit littéralement d’un exercice de correspondance, nous devons donc prendre en compte tout ce qu’implique la  correspondance avant l’ère du numérique: l’écriture à la main, le papier à lettres et surtout l’attente et l’incertitude. La personne à qui on écrit va-t-elle lire la lettre? Quand va-t-elle la recevoir? Va-t-elle la recevoir? Cela cause inévitablement une certaine angoisse, mais le simple fait d’écrire est libérateur.

Soudainement, William-Alexandre s’empare d’un des toutous. Il ne faut pas beaucoup de temps à certaines pour fondre en larmes à cause de l’enlèvement. Trois professeurs et l’intervention du gardien sont nécessaires pour arriver à récupérer la peluche en un seul morceau avant que Renée ne puisse offrir généreusement des tournées de câlins.

Vient le moment où l’on nous propose de lire nos lettres à nous-mêmes. Certains y vont avec humour et autodérision (nous pouvons ici nommer Alexia, William-Alexandre et Charles-Éric) alors que pour d’autres, le sérieux était de mise. Avec cette atmosphère chargée en émotions parfois contradictoires, quelques hypersensibles ont été incapables de contenir leurs larmes. Quant à moi, pleurant comme une madeleine, j’ai réussi à déclencher des pluies de petites perles dans les yeux de mes collègues. Malgré le torrent de nostalgie et de tristesse qui les engloutissait, tout un chacun a su faire preuve de compassion, de respect et d’amour, si bien qu’il ne s’est jamais donné autant de câlins qu’en cette petite heure.

On a tous une histoire à raconter

Voyage au cœur du siècle, par Valérie Lajeunesse

8h15 : Les équipes sont complétées, les noms sont trouvés et la poésie est dans le tapis. L’heure est venue de découvrir la première conférence. Direction la bibliothèque, au local d’apprentissage actif, où nous attendent nos professeurs accompagnés d’une femme.  

Elle se nomme Mélanie Loisel. Née à Fermont, dans le nord du Québec, elle entretient dès sa jeunesse une passion pour le journalisme, qu’elle étudie à Montréal. C’est une série de bouleversements dans sa vie, dont la perte d’un emploi et son retour au célibat, qui la pousse à se lancer dans un projet qui lui trotte dans la tête depuis un certain temps: aller à la rencontre de personnalités qui ont « vécu le siècle ». Elle rédige donc une lettre dans laquelle elle demande un entretien afin de poser trois questions: quelles leçons tirez-vous de votre expérience? Comment voyez-vous le monde aujourd’hui? Quel est votre message pour la jeunesse? C’est grâce à ces trois simples questions qu’elle a réussi à rencontrer 62 personnes qui ont marqué le XXe siècle et a donné naissance au livre Ils ont vécu le siècle, de la Shoah à la Syrie. Mélanie nous raconte les improbables entrevues qu’elle a menées avec, entre autres, le petit-fils de Gandhi et Kim Phuc, petite fille dont la photo a fait le tour de la planète lors de l’attaque au napalm pendant la guerre du Vietnam. Le groupe d’étudiants n’ose pas un son, obnubilé par les histoires atypiques des personnalités décrites. C’est Roxanne Bouchard qui brise la glace, et questionne en rafale la journaliste. 

Pendant cette série d’entrevues, Mélanie rencontre également Martin Gray, homme au destin tragique qui a perdu sa première famille lors de la Deuxième Guerre mondiale, puis sa seconde dans un incendie. Son histoire possède une telle profondeur que l’écrivaine décide d’en faire un seul livre, Ma vie en partage. Fidèle à son angle d’approche, elle oriente M. Gray, âgé de 92 ans lors de la parution du livre, vers un discours plutôt actuel.  

Notre conférencière termine en nous parlant de son tout dernier livre, Ma réserve dans ma chair, l’histoire de Marly Fontaine, artiste autochtone qui, dans le cadre de son projet final à l’université, s’est fait tatouer un numéro, qui représente l’entité qu’elle est pour le gouvernement canadien.  

C’est tout empli de mille et une histoires que le groupe reprend la direction du quartier général faire le plein de caféine avant le retour à la bibliothèque. 

Difficile, l’autofiction, par Maude Dulong

Dans la bibliothèque, tous sont assis. Catherine Asselin, responsable-chef de l’activité, nous explique son contenu. Il s’agit d’un atelier d’autofiction qu’elle illustre à partir de l’extrait d’un roman. Les explications terminées, elle nous laisse à la rédaction de notre autofiction: nous devons raconter un moment embarrassant.

Certains sont assidus dans leur écriture, le café ayant fait l’effet escompté, d’autres sont en retrait, bavardant ou tout simplement absents de la salle. Le cliquetis d’un appareil photo se fait entendre sans arrêt. Les élèves se font mitrailler par la lueur du flash d’un appareil photo sans qu’ils puissent rien y faire. Les responsables de l’atelier tentent tant bien que mal de rassembler tout le monde, mais rien n’y fait. Seule l’équipe des Olympiennes écoute les consignes, allégeant la tâche des professeurs.

Quelques minutes passent, Les Olympiennes ont toutes terminé, sauf une qui désespère à trouver l’inspiration.   Les autres équipes, elles, grouillent un peu partout. La voix de Catherine leur sonne l’alarme ultime : « Il ne vous reste que dix minutes à la rédaction ! » La panique nous gagne.

Tous accourent à leur chaise, crayon en main et cerveau en marche. Il ne reste plus qu’à se plonger dans l’intériorité, à enclencher la méditation précipitée, en priant pour que nos textes aient du sens. L’autofiction n’est pas simple pour tous, raconter une histoire embarrassante, c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout pour ceux et celles qui sont plus discrets.

Les minutes s’écoulent, les élèves sont dans une course contre la montre. Tous se lancent des regards inquiets, commettant des erreurs de français plus ridicules les unes que les autres. L’heure fatidique arrive finalement, le temps a cessé de tourner. Tous attendent leur tour de honte, qui se lancera en premier ?

Une fille de l’équipe Olympienne se lève, son texte bien droit dans ses mains pourtant tremblotantes. Personne ne sait si elle a décidé par elle-même ou si c’est les membres de son équipe qui l’ont envoyée directement dans la fosse aux lions. Le photographe est prêt, l’appareil est dirigé pour capturer tous ces moments embarrassants.

La lecture se déroule bien, quelques petits éclats de rire nerveux sortent et tous se sentent un peu plus à l’aise. L’équipe des Petits Poulets amorce la lecture de son texte, le rire de chacun se fait de plus en plus fort. Les Grands Connes suivent et réussissent à faire tomber le peu de gêne qui restait dans la salle.

Pendant ce temps, Hugo, le photographe, ne sait plus où donner de la tête, trop de propositions photographiques lui viennent à l’esprit. Les Vieilles Torches mettent le feu à la pièce tandis que les Enflammées, elles, éteignent le tout avec une histoire de drain de piscine.

L’activité se termine avec un torrent de rires tandis que, dans un coin de la salle, Hugo est accroupi, cherchant toujours LA photo qui rendrait le mieux sa gloire.

Le plaisir des délibérations à Québec

            Participer au Prix littéraire des collégiens a sans doute été l’une de mes plus belles expériences en tant que cégépien. Et diantre, je le fus longtemps! J’ai tergiversé, mais j’ai enfin trouvé ma voie : la littérature. J’adore lire bien sûr, mais j’aimerais écrire aussi un de ces jours. Je me suis rendu compte durant les deux jours passés avec les représentants de collèges de partout à travers le Québec (même un de France[1] et un de Chicago[2]!), que le point central, l’aspect le plus important et duquel en découle d’innombrables autres comme la culture, la politique, l’éducation, bref tout sujet de société, est sans nul doute la litté…

            Lalcool! Yeah!

 [Raclement de gorge] … la littérature sous toutes ses for…

            L’Alcowoooool! Tous au bar, c’est le PARTYYYY!

[Raclement de gorge] … la littérature sous toutes ses formes. Cette dernière nous permet de…

            AWEILLE LA TOURNÉE DE SHOOTERS!!!! YEST JUSTE 1:30!! CUL SEC, CUL SEC,

            CUL SEC!! Iglou, iglouiglouiglou!

[Raclement de gorge très irritée] Bon d’accord! C’est à mon corps plus ou moins défendant que j’avouerai que la pierre angulaire de ces deux jours, fut notre soirée au bar. Non pas pour les coquetels ou la musique, ou que l’on soit venu dans la capitale nationale pour une débauche nocturne, mais bien entendu pour les amitiés. Cette nuit au bar représente l’essence même de nos nouvelles relations : des amitiés pures.

            Aussi pure que ma Tequila! Ça brûle la gorge pis le lendemain tu te dis « T’es qui là? »

En effet, étant peu en contact avec nos professeurs durant les activités, nous durent socialiser. Pendant les tables rondes, nous avons fait connaissance et tâté les opinions sur les cinq romans en lice. Arriva ensuite le souper, qui vit naître d’intéressantes et vives discussions, d’abord sur nos programmes respectifs, puis sur la société; un des moments les plus importants pour connaître l’autre et avoir un aperçu de sa personnalité. Après le souper vint la préparation au débat, là où les « alliances d’opinion » entre étudiants naissent, essentielles aux délibérations. Le reste de notre soirée et de notre nuit était à notre entière disposition.

            C’est là que le fun part!

Effectivement, loin de nous l’idée de perdre une occasion de fêter la fin de la prohibition, un appel à se retrouver à La Cuisine[3] ne tarde pas. Nombreux sont ceux qui « prédrinkent » en déambulant jusqu’au bar, où nous nous confions et festoyons comme des amis de toujours. Bien que très récentes et potentiellement « sans lendemain », nos amitiés s’avèrent profondément vraies.

Le déjeuner nous attend entre 7 :00[4] et 9 :00, suivit du Café littéraire, dans lequel nous présentons un extrait marquant dans une œuvre. Notre dernier rendez-vous fut le Salon du livre, où nous révélions officiellement le roman gagnant. Nous avons ensuite échangé des conseils d’œuvres à acheter, à lire et à critiquer, nous promettant de nous en redonner des nouvelles dans un groupe de discussion.

            Eille c’est vrai ça! VITE TOUT LE MONDE, DONNEZ-MOI VOS FACEBOOK!! Bon allez, un autre verre! Faut en profiter hein, on se reverra sans doute pus jamais…

Par Charles-Éric Gaudreau Lepage


[1] Lycée Cours Bastide, Marseille

[2] Lycée Français de Chicago

[3] Un merveilleux bar! (Ou du moins, dans les souvenirs flous qu’il m’en reste)

[4] Nous avons retrouvé nos lits à 4 :00… Oups.

La poésie vous ennuie?

J’ai pris le temps de me faire un bon café. Je me suis brossé les dents. J’ai pris le temps de réciter l’alphabet et de compter les nuages dans le ciel. J’arrive dans le Cégep en marchant nonchalamment, une statuette de Bouddha dans les mains pour inspirer les trois personnes qui vont être attirées par notre kiosque. Mes amis Morphéistes s’affairent déjà autour d’une table qui ressemble à une brocante, il n’y a qu’eux pour se dépêcher pour la poésie. Comme une maman qui enroberait les légumes de panure pour les faire avaler aux enfants, nous avons décidé de dynamiser notre activité d’écriture de poèmes avec des objets trouvés dans le costumier louche de Renée. Nos hypothétiques poètes d’un jour devront choisir un de ces objets pour créer.

Mes amis sont intelligents; ils n’ont pas affiché que notre table était un kiosque de poésie. On va miser sur nos belles faces pour attirer les gens.

Étonnamment, notre stratégie fonctionne. Un premier étudiant s’approche de nous.

– « Qu’est-ce que vous faites?

-De la poésie

-Wow. Mon Dieu, d’accord.

-Veux-tu participer?

-J’écris pas ça, de la poésie. »

On le sait. Personne n’écrit de la poésie à part les turbo rêveurs comme nous. C’est pour ça qu’on est là.

Une chance que le garçon est un courageux. Il se lance, la tête première dans la folie. Il me donne un peu d’espoir et d’énergie. Moi qui avais commencé en Jean-Christophe Réhel, je me métamorphose tranquillement en Jean-Paul Daoust. Avec assurance, j’interpelle les gens qui passent à côté de nous en nous dévisageant. Une personne s’arrête. Puis une autre. Puis une autre. Entre les non-convertis s’arrête Roxanne, première lettrée à s’intéresser à nous. À mon plus grand déboire, elle ne participe pas. Elle me fait de nouveau perdre espoir en la poésie.

José, grand habitué du ciné-répertoire, vulgaire jusqu’au trognon, vient m’écrire un poème d’inspiration Hochelagurls, sur un pénis et un vingt dollars. Je le cache, mais il me fait sourire.

De nouveau, les gens viennent à notre kiosque. Bientôt, nous sommes tellement attirants que nous ne fournissons plus en crayons. C’est un miracle. La poésie se relève de ses cendres.

Frédéric Généreux arrive, les yeux plein de fierté pour ses bébés fakirs. Il nous pond un poème qui m’achève, me redonnant définitivement espoir en la poésie et en la vie. Jean-Christophe est enterré pour de bon. Renée arrive à la fin de l’activité. Je lui vante notre succès. Je leur vante notre succès. Je suis Jean-Paul Daoust.

Par Claire-Hélène Piuze

À l’aube de la poésie

La poésie de l’intertextualité, par Roxanne Gagné

Jacques Peter, Jacques Peter, Jacques Peter est un osti d’bon joueur de poker.

Ainsi finit la dernière chanson de Fred Beauchamp. Cet être féérique était venu nous détendre pendant une bonne heure avec son instrument et sa voix. Il était maintenant temps pour lui de quitter la place. Celui-ci, guitare à la main, fée énergique parmi une nuée de morts-vivants, remercia le public en lançant une poudre magique qui en saisit plus d’un. Les ressuscités, se rendant compte qu’un nouvel atelier commençait, se levèrent péniblement de leurs tapis enchantés.

Cinq minutes plus tard, un loup-garou joyeux du nom de Frédéric Généreux apparut devant nous à travers une diffusion de lumière bleu et rouge kaléidoscopique. Généreux était le meilleur ami du lapin blanc qu’on nommait Dominique Corneillier. Depuis leur rencontre, il créa nombre de recueils de poésie ensorcelés. À partir de ce moment, nous sûmes que nous étions pris à construire un poème.

Le loup lut durant vingt minutes des textes de différents auteurs mages. Grunge, Tatamie, Jacques Parizeau… les noms mystérieux se multipliaient. Tout à coup, son ami le lapin blanc demanda à Généreux la définition de l’intertextualité. Celui-ci, voyant un défi de la part du petit mammifère, décrivit en long et en large ce qu’il en était.

Après avoir répondu à la question, l’immense canidé discuta avec les élèves du thème du sang, des vagues et de l’hiver. Ces thèmes étaient des éléments très importants des textes qui avaient été lus. C’est pourquoi il posa des questions aux apprentis .Charles-Éric et Camille, un duo de dragons érudits, répondirent brillamment.

Suite aux réponses des élèves, le loup-garou fit jouer, grâce à un objet électrique, des chansons venues d’outre-terre pour appuyer ses propos. L’une d’elles du nom d’« entre les vagues » était chantée par une sirène du nom de Kouna. La voix était étrange, les instruments hypnotiques. Tout à coup, la musique s’arrêta et deux phrases dites rapidement sortirent du néant. La moitié des étudiants n’avait rien compris.

-Prenez un livre !

Nous obéîmes sans réflexion. Heureusement, les 12 étudiants de deuxième année, faits de la plus solide des pierres précieuses, réussirent à comprendre le travail et à le commencer. Choisissant un vers dans un livre, ils l’utilisèrent pour créer leurs propres formules.

Le temps écoulé, les champions commencèrent à lire leurs poèmes. Ils étaient fabuleux. Le loup donna ses compliments à Charlotte l’elfe, car elle avait su faire une poésie très intimiste de sa chambre à coucher. Il félicita aussi William le nécromancien, qui avait fait ressusciter les mots de ses poèmes. D’autres champions écrivirent d’excellents textes. Les lettreux étaient maintenant prêts à aller à leur prochaine destination.

Poésie du quotidien, par Claire-Hélène Piuze
 

Transition traînante.

Les heures s’effilochent. Notre prochaine destination est le centre d’aide en français. Il est cinq heures du matin et c’est notre deuxième activité de poésie. Certains d’entre nous se plaignent. Ils manquent de jus poétique.
Des étudiants de lettre qui se font corriger leur français, c’est humiliant, mais c’est possible.

On se fait corriger de bien belle manière par François Rioux, un poète avec une voix chaude, qui nous donne envie de dormir en ronronnant. Nous l’écoutons parler de sa poésie du quotidien. Celle qui éveille nos sens à tous les jours.

Qu’y a-t-il de plus beau qu’un Cégep vide? Une gagne de poètes en pyjama.

Qu’y a-t-il de plus délectable qu’un café ? Charlotte, la main tremblante, nous affirme que rien ne saurait l’égaler.

Qu’y a-t-il de plus rassurant que le bruit de la ventilation ? les chansons de Fred Beauchamp.

Nous tentons de nous émerveiller de ce qui nous entoure sous les regards de jugement de Dominique Corneillier. Il a revêtu un chapeau pour se protéger de la lune et vient faire le contrôle de notre poésie de somnambule.

William-Alexandre, de son côté, écoute avec le plus fort de ses sens, celui qui même en situation de crise demeure, le sens de l’adoration de Dominique Corneillier. Il met au monde un poème hommage à Miron qui critique les cellulaires. Monsieur Corneillier approuve, des clins d’œil sont échangés, William fera de beaux rêves.

Nous avons à peine le temps de remercier M. Rioux pour la beauté de sa voix et celle de ses poèmes que le soleil, timide mais présent, nous indique que l’épreuve est presque terminée. Notre sensibilité, éveillée par l’introspection que nous a demandé la nuit, embellit les couleurs du matin.

En sortant de la bibliothèque, on croise deux amoureux endormis. La tête appuyée sur l’épaule de son copain, Roxanne, une de nos femmes de lettres, nous présente à nouveau un exemple de poésie de l’intime, de poésie du quotidien.


Une fin grandiose

Dans’ graisse de bines, par Charles-Éric Gaudreau Lepage

5 :40

« Hey patate ! ils ont donc b’in les yeux dans ‘graisse de bine eux autres ! »Voilà ce que Claire-Hélène aurait dit si elle avait été narratrice. Elle n’aurait pas eu tort. Les littéraires viennent de terminer l’activité de poésie au CAF. L’espoir d’une fin proche était nourri par le Soleil qui venait, de peine et de misère, de se lever. Ah non, la peine et la misère, c’est les élèves. Cette étape marque le digestif avant les dernières étapes de la Nuit. Parlant de bouffe, les étudiantes se dirigent justement vers la cafétéria du personnel, à l’auuuuuuuuuuuuutre bout du cégep, pour s’empiffrer comme des défoncés avec un bon déjeuner. En gros, parce que c’est meilleur quand c’est gros comme on dit, des bananes, des muffins pis du café.

5 :50

Bref, le déjeuner fut succulent. Savoureux. Faste. Moelleux. Délectable. Ô que ce fut mangeable ! Mais pas vraiment revigorant. Endormies par intermittence, des personnes commencent à partir. Elles sont peut-être rassasiées par l’universalité littéraire atteinte durant cette délicieuse nuit, elles sont peut-être repues, mais ce n’est pas fini, c’est un trois services ! Alloo-oooo ! Même William-Alexandre n’est pas mort cette année. GRANDS CONNES ! vous hurlerait-il avec un fond de gentillesse, encouragé par Valérie, la Matante de tous. Après tout, conclure avec deux activités de poésie, n’est-ce pas là la cerise sur le gâteau ? La consécration ultime ? L’apothéose ? Faut croire que non, puisque les étudiantes de première année sont presque toutes parties en piochant du bon manger, au grand dam des finissantes et des professeurs.

6 :00

Dominique Corneillier, qui nous nous fit grâce de sa présence dès l’activité de Frédéric Généreux vers 4 :00, semblait fraîchement arrivé d’un défilé de mode ou d’un plateau, non pas de hors-d’œuvre, mais de télévision. Il invite son collègue à le rejoindre à sa table pour diriger les ordalies décisives.

Sonne alors le glas du destin.

Les Grands-Connes trébuchent et se regroupent, les Enflammées reviennent de leur prière, les Vieilles Torches cessent de s’injurier, les Petits Poulets se remettent tant bien que mal du cannibalisme du souper et les Olympiennes descendent de leur nuage avec Léa, leur mascotte peluchée, qui commence à prendre des notes.


La fin du mythe, par Léa Hétu

6:45

C’est la fin, l’atmosphère est fébrile. D’un côté, il y a ceux qui s’endorment. De l’autre, il y a ceux qui se sont revigorés au déjeuner, les vétérans de l’année passée, ceux qui sont habitués à travailler toute la nuit afin de compenser ce qu’ils ont négligé pour le matin suivant. Séparés en deux camps, les étudiants font le bilan de leur nuit. Pour tous, elle a été dure, nos mains se sont fait aller sans répit. Dominique Cornellier a fini son Odyssée sur une table, muni de café noir, pour rester bien éveillé. Avec lui, Frédéric Généreux observe les notes qu’ils ont prises, même s’il est clair qu’ils ont déjà fait leur choix. Les noms qu’ils énoncent résonnent sans vraiment surprendre qui que ce soit: Charles-Éric et William-Alexandre. Quand le texte de Charles-Éric, inspiré d’une oeuvre du musée, est déclaré gagnant, un tonnerre d’applaudissements retentit, digne de la caverne de l’Ismara. On sait déjà par quelle phrase la décision a été prise:

«Je t’ai cherché. J’ai creusé, fouillé pour te trouver. Tu étais minerai, dans le filon du destin.»

La diatribe de William-Alexandre fait écho au texte presque biblique de son camarade, avec ses mots longs et compliqués, trop pour ce début de matinée. Mais cela n’amoindrit en rien sa poésie et tous restent accrochés à ses lèvres lorsqu’il commence à lire:

«  Encore les gens

incapables

De remplir

Les ‟trous noirs de l’univers”

À Miron »

Les noms sont sortis, maintenant la file pour la table des prix avance lentement, presque religieusement, pour prendre connaissance des livres sacrés et des cartes menant à davantage de connaissances. Derrière les rideaux métalliques et poussiéreux, Hélios commence à nous éclairer de l’Olympe. Il est encore caché par de gros nuages cotonneux, timides. Quelques étudiants observent leurs nouveaux trésors, se les échangeant afin de faire le bonheur de l’un et de l’autre. La nuit s’achève sur du partage.

On quitte lentement la cafétéria secrète -celle des enseignants- qui est devenue les champs Élysées, le temps d’une nuit. Les couvertures éparpillées et les oreillers empilés forment encore quelques tas confortables, des croissants sont offerts, comme l’ambroisie qui réchauffe les âmes. Une reproduction de la corne d’abondance s’étend derrière les sacs des prophètes. Les cerveaux sont changés en bouillie, mais les sourires sont fiers et les yeux brillants de souvenirs. Les érudits quittent. Malgré les pertes minimes qui sont survenues au cours de la nuit dans les rangs des jeunes rhapsodes, les plus courageux sont restés affronter les cyclopes de l’imagination nocturne.

Premiers pas dans la nuit

Nos attentes, par Christina Champagne

Encore cette année a eu lieu la 4e édition de cette nuit blanche tant attendue : la nuit de la littérature. Ces douze heures productives où alterneront ateliers d’écriture, conférenciers, pauses collation et un moment de répit tout en musique en feront nuit pleine d’imagination. Le thème qui teintera cette fois-ci nos textes hauts en couleur au fil des heures sera l’intime.

Ce thème peut être traité selon divers aspects. Il y a l’autofiction où à partir d’un souvenir on intègre une fiction qui amplifie ce dernier. Ensuite, il y a la correspondance, la poésie et l’érotisme. À mesure que le temps passe, la fatigue va se refléter sur nos textes. Qui sait ? Nous dévoilerons peut-être nos secrets les plus intimes? Nous sommes fébriles à l’idée de commencer cette nuit. Quels conférenciers seront présents? Qui animera les ateliers au courant de la nuit. Surtout, quel professeur aura le courage de braver la tentation du sommeil avec nous? Qui flanchera?

On va voir qui sont les couche-tôt et les oiseaux de nuit. Pour ma part, je suis une couche-tard, donc je n’ai pas de problème à ne pas dormir ou, du moins, j’aurai moins de difficulté à rester éveillée. Ma crainte est plutôt le manque d’inspiration plus la nuit sera avancée. Par contre, j’ai hâte de voir le style d’écriture des étudiantes de première année et l’imagination qu’elles ont.

Il est presque l’heure de se rendre à la cafétéria des professeurs. Nous allons devoir être en équipes. Nous faisons des provisions de sucre, enfilons des vêtements confortables. Nous marchons tranquillement vers le point de départ. Armés de nos stylos, enroulés dans notre doudou, nous sommes prêts à entamer les 12h de littérature.

Au lieu de rendez-vous, tout le monde jase. On est excité de se retrouver. L’impatience monte au sein du groupe. Elle monte en moi aussi, je me demande ce qu’on va faire.

La première création

Par Charlotte Bergeron

À 18h30 je débouche mon crayon, c’est le temps de prendre des notes pour me rappeler de la prochaine heure et demie. Mes neurones semi-endormis (parce que, quand même, j’étais au cégep aujourd’hui) ont tout à coup mal aux yeux par l’entrée remarquée de père et matante, arrivés tout droit de l’Albion. Ces deux-là ont pris très au sérieux le concept de déguisement en fonction de notre surnom dans le groupe : lunettes fumées, perruque, attitude, la totale. Le choc passe. Ça sent le poulet.

Clic clic, je ressors ma mine. Oui, mes mains sont propres, il y avait une lingette dans l’emballage à ustensiles. Le groupe est rassasié et désaltéré, les profs ont pensé à tout. Qu’est-ce qu’on fait maintenant? Malaise. Ils sont presque tous partis fumer, les autres, je ne les ai jamais rencontrés.

« Oyez, oyez! »

J’entends le prof qui chante, il faut s’approcher. On nous explique la prochaine activité : faire des équipes. Donc là, si je comprends bien, tu me demandes d’intégrer les étudiantes de première année. Intégrer? D’accord, alors moi c’est Charlotte, enchantée.

On y arrive, c’est lent, mais ça se passe, on crée des groupes de quatre. Il y a des rires à ma gauche, tiens, ceux-là s’amusent. Je me tourne vers mon équipe, maintenant c’est nous qu’on entend. Ça va passer vite, Charlotte, t’as déjà du fun.

Vient le temps de se définir, de se donner une identité, parce que : qui fait des équipes sans nom d’équipe? Nous nous sommes donc tous présentés, en tant qu’équipes, par un nom, un auteur et une citation d’une qualité digne de notre parcours en lettres.

Voici le résultat :

Les Ti-poulets ont choisi Patrice Lessard comme auteur et déclarent : « Là je suis vraiment occupé, pis c’est le bordel chez nous! »

Les Enflammés élisent Victor Hugo et se représentent par la phrase : « T’as des rondeurs de croissant au beurre. »

Les Vieilles torches s’associent au grand Michel Tremblay et poussent leur concept avec l’affirmation : « Vulgaire jusqu’au trognon. »

Les Grands connes, plus littéraires, désignent Nelligan à leur tête et ne vivent que pour crier : « Vive le Québec libre! »

Finalement, les Olympiennes, qui rétablissent l’équilibre avec leur délicatesse plus évidente, choisissent Homère et articulent gracieusement : « Une pièce sans livre c’est comme un corps sans âme. »

Satisfaits de nos nouvelles identités, nous prenons une première tasse de café (qui sera suivie par beaucoup d’autres) en préparation à la prochaine activité.

Présentation des finissants


Nous sommes les finissants
calligramme des lettres
nous étions vingt
en reste douze
 
nous sommes des anagnostes
d’Essence
déploiement
des esclaves créateurs
                                                            
nous sommes des substantifs
balbutiements
de la poésie
de la dissonance
 
nous sommes les Êtres
du verbe
les Avoirs
de l’anti-Capitalisation

Par Charles-Éric Gaudreau Lepage et William-Alexandre Ross

De Synthèse

De synthèse est un roman de Karoline Georges publié par les éditions Alto. Cette œuvre raconte la vie d’une mannequin qui tente de s’effacer du réel pour devenir purement image. Entre la fixité idéale de la virtualité et la réalité imparfaite du mouvement, l’auteure nous décrit un futur proche amplifié de technologies diverses où l’image est devenue religion.

La narratrice a vécu une enfance traumatisante. Sa mère, femme à la maison, est victime de violence conjugale par un mari alcoolique. La fillette éprouve de l’angoisse généralisée pour sa famille et la société, qu’elle apprend à fuir à travers le monde de la fiction . Après une brève carrière en tant que modèle, elle s’isole dans un condo minimaliste purement utilitaire pour se transcender à travers son avatar qu’elle nomme Anouk. Le personnage passe son temps à fabriquer des peaux, des personnalités toujours plus vivantes à sa poupée numérique. Elle tente d’oublier au maximum son corps au profit d’une existence marquée par la quête infiniment sacrée de l’image. Malheureusement, sa quête est ébranlée par la découverte du cancer de sa mère.

Le roman révèle une narratrice sans nom qui cherche à s’évader, à se connecter dans un monde virtuel où, on le sent, elle se porte mieux que dans la réalité.

Par une écriture neutre, froide et à l’image du monde virtuel, l’histoire devient trop peu attachante pour le lecteur. Le récit est relativement fragmenté, allégeant ainsi la lourdeur du texte causée par son écriture dense et monotone, avec très peu de dialogues.

Aussi, une grande insatisfaction s’installe à la fin du roman : il n’y a aucune remise en question du monde créé par l’écrivaine, où la virtualité et l’image priment sur la réalité. La romancière a tenté de montrer l’adoration du virtuel et de l’image des gens nés à partir des années 70. Depuis l’arrivée de la télévision, certains enfants se retrouvent face à des images de perfection dès leur plus jeune âge. La recherche du sublime se continue donc tout au long de leur vie. Cet enjeu est illustré à l’extrême dans le livre, peut-être dans l’exagération, quoi qu’exprimé de façon intéressante. La technologie et ses avancées sont des enjeux qui inquiètent de plus en plus et il est rare de lire un texte qui en parle sans être une critique flagrante.

Par Roxanne Gagné, William-Alexandre Ross et Maxime Arseneault-Lefrançois