Un hiver apocalyptique sous Le poids de la neige

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2017

Résultats de recherche d'images pour « le poids de la neige christian guay poliquin »Titre : Le poids de la neige

Auteur : Christian Guay-Poliquin, né en 1982, a publié en 2013 son premier roman Le fil des kilomètres chez La Peuplade.

Résumé : À la suite d’un grave accident de voiture, un homme se retrouve, avec les jambes cassées, dans une petite ville coupée du reste du monde. Matthias, un vieil homme temporairement installé au village, prend soin de lui.

Propos : Le roman traite de la solitude, de l’abandon, du vide existentiel et de la condition humaine.

Points forts :

  • Le roman se situe dans un temps et une époque indéterminés, dans un univers apocalyptique qui entraîne une inquiétude constante chez le lecteur. L’auteur réussit avec brio cette ambiance étouffante: «On dirait que je m’enfonce plus que je n’avance. Je guette la porte avec une crainte qui appartient aux animaux sauvages.»
  • L’auteur utilise des champs lexicaux qui tournent autour de la noirceur et du froid, ce qui crée une atmosphère lourde et réussie : «C’est l’hiver. Les journées sont brèves et glaciales. La neige montre les dents. Les grands espaces se recroquevillent.»
  • L’instinct de survie est accentué par l’individualisme de chacun des personnages. C’est en effet est rendu possible grâce à l’absence de leur état d’âme. 
  • Le texte lent propose un réalisme désarmant des événements vécus par les personnages. Chaque chapitre est défini par l’accumulation de neige au village, ce qui rend l’isolement des personnages étouffant.

Points douloureux :

  • Les personnages n’ont pas de personnalité, ce qui empêche les lecteurs de les trouver attachants. «Elle c’est Maria et l’autre c’est son mari, José, a-t-il déclaré en montrant la vétérinaire et le pharmacien.»
  • Malgré l’effet de réalisme, le roman contient parfois certaines longueurs qui peuvent ennuyer le lecteur.

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Christian Guay-Poliquin possède un style singulier, réaliste et qui lui taille une place de choix pour le Prix littéraire des collégiens.
Notre groupe attribue au Poids de la neige la note de 8.2/10.

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Citation préférée du groupe: «Je rassemble mon courage et me retourne sur le dos, les bras en croix, les paumes vers le ciel. Autour de moi les ténèbres rôdent. La nuit a faim. Et les flocons sont carnivores.» 

 

Crédit photo: Laurence Grandbois-Bernard

PAR

Julyann Bénard
Marie-Anne Audet
Fannie Thibodeau

Les maisons en crise de la quarantaine

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2017

Titre: Les maisons

Auteur: Fanny Britt est une dramaturge d’importance au Québec. Elle a écrit, entre autres, Honey Pie en 2003 (sa toute première pièce), Enquête sur le pire en 2010, Chaque jour en 2011. Elle est aussi traductrice et essayiste. Elle est reconnue à travers le monde pour ses romans jeunesse qui ont été traduits en plusieurs langues.

Résumé:  Tessa, mère et courtière immobilière, est confrontée à la rencontre inattendue d’un amour de jeunesse. Cette rencontre va l’obliger à remettre en question ses choix personnels et familiaux.

Propos: Le doute qu’emmène la crise de la quarantaine.


Points forts:  

  • On remarque inévitablement que Fanny Britt a beaucoup d’expérience en écriture dramaturgique, ses dialogues se lisent comme une pièce de théâtre:
    —Francis, quelle horreur, cette conversation.
    —Je sais. Une de nos meilleures.
    —C’est pas drôle.
    —Pardon. Je pensais pas à mal.
    —T’as jamais pensé à mal.
    —Tu dis ça comme si c’était un problème.
    —Je suis pressée. J’ai un pont dans la voiture.
    Les dialogues sont efficaces, rythmés, à la fois sérieux et humoristiques.
  • Les personnages (principaux et secondaires) sont complets et complexes, ils ont une personnalité, des doutes, des habitudes de vie: «Je me réveille en sursaut lorsque Jim rentre, juste avant minuit. Les bruits familiers de la clé dans la porte, de son trombone qu’il dépose sur le plancher et de la chasse d’eau des toilettes [...]»
  • Le roman nous confronte à nos propres valeurs vis-à-vis l’infidélité. Tessa brisera-t-elle son couple pour aller vers un autre homme? Les questions au futur torturent le lecteur: « Jim souffrira de ça, et je vais le faire quand même.»
  • Le personnage principal n’est pas le seul à illustrer les doutes de la crise de la quarantaine. Chaque personnage possède ses propres doutes. Par exemple, le personnage de Sophie doute constamment d’être au bon endroit. Dans sa jeunesse, il lui est souvent arrivé de partir en autobus vers un lieu inconnu ou encore de tenter toutes sortes de choses afin d’essayer de se trouver.
  • La maturité du style de Fanny Britt est la grande force du roman. Sa narration est travaillée. On voit un registre de langue familier où le populaire s’invite de temps à autre sans que ce soit exagéré ou inutile. Cela rend le roman délicat. « Je fais oui de la tête, parce que, c’est vrai, il est possible qu’on se rappelle, je vends sa maison après tout, mais en même temps que ma tête fait oui, il y a mes yeux qui disent See you never, alligator, et il le sait […]»

Points douloureux:

  • Le personnage du frère de Tessa arrive brusquement. Tout à coup, la narratrice en parle comme étant extrêmement important dans son histoire personnelle, alors qu’aucune allusion à ce personnage n’avait été faite avant le coup de fil de Francis.
  • Les doutes de la narratrice s’effacent trop rapidement et facilement. Après seulement quelques minutes, lors de la rencontre finale avec Francis, les questions qui l’assaillaient ne tiennent plus.
  • La fin du livre ne répond pas à toutes les interrogations du lecteur. On reste sans réponses sur des questions importantes, notamment sur celles qui sont liées aux motivations des personnages à poursuivre une relation à long terme.

 

Est-ce que Les maisons mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens 2017?

Son propos rejoint les lecteurs, ses personnages sont complexes, complets et ses dialogues, efficaces. Malgré une fin qui ne répond que partiellement, nous semble-t-il, aux interrogations du lecteur, Les maisons, de Fanny Britt a reçu, dans notre groupe, la note de 7.8/10.
Nous croyons que ce livre mériterait de gagner le prix littéraire. Il est un véritable plaisir de lecture.

 

Notre citation préférée: « Combien de temps à gémir que je voulais le voir, juste le voir? Cesse-t-on de vouloir ce que l’on a ardemment voulu à vingt ans?»

 

Crédit photo: Julie Perreault

 

PAR

Liliane Tanguay
Claudia Laporte
Victor Bélair

Des femmes savantes: constat d’une aliénation sexuelle

Fiche de lecture pour le Prix des collégiens 2017

Titre : Des femmes savantes

Auteur : Chloé Savoie-Bernard est doctorante en littérature. Elle a aussi publié Royaume scotch tape, qui est son premier recueil de poésie, en 2015.

Résumé : Au fil des nouvelles, des narratrices, somme toute semblables, partagent leur mal-être. Sexualité, maquillage, attentes irréalistes et déséquilibre émotionnel dessinent une génération de femmes sans repères.

Propos : Le recueil pose un regard sur les déviances et les obsessions sexuelles de jeunes femmes à la mode.

Points forts :

  • Le style est travaillé. Dans cette citation suivante, par exemple, la gradation utilisée affirme une volonté de modifier son apparence chez la narratrice  : « […] cultiver ma cellulite avec amour, faire écouter de l’opéra à mes bourrelets comme à des plantes vertes pour qu’ils grandissent le plus rapidement possible, oui, absolument, devenir grosse, devenir pesante, obèse morbide […] », Halle Berry et moi.
  • Il y a belle maîtrise de la langue, variant entre le populaire et le littéraire: « Et puis je n’ai même pas d’enfants à qui servir du lait chaud et des biscuits pendant que je me tue. Sorry, moi c’est pas Nelly Arcand […] », Tu baignes dans la lumière.
  • En général, les lecteurs du Prix littéraire des collégiens sont de la même génération que les personnages du recueil. On peut ainsi croire que le livre rejoint ici une partie de son public cible.
  • Les douleurs des personnages: le mal de vivre, les multiples insécurités, le culte du corps touchent une certaine universalité des émotions des lecteurs.
  • Les textes sont rythmés. Même si certaines phrases sont très longues, aucune lourdeur n’est créée par l’auteure ou ressentie par le lecteur.

Points douloureux :

  • Le style et le contenu sont actuellement très utilisés chez les jeunes auteurs, particulièrement sur internet (ex. La Fabrique crépue, Urbania,  les humoristes de l’heure).
  • Le livre trace un constat incomplet de la condition féminine, un portrait unidimensionnel de celle-ci. Par exemple, le lecteur n’a qu’une impression, en terminant, c’est que la sexualité chez les femmes les détruit.
  • La grossièreté des propos est tellement présente que la provocation transparaît et ne choque plus : « Je te lécherai les couilles et te mettrai un doigt dans le cul au moment opportun », Liste des raisons pour lesquelles tu devrais m’aimer.

Est-ce que ce livre mérite de gagner le Prix littéraire des collégiens?

Pour son style travaillé et accrocheur, le livre de Chloé Savoie-Bernard mérite d’être finaliste au Prix littéraire des collégiens. Néanmoins, la lourdeur de la vulgarité et la redondance des personnages alourdissent la lecture. Cela justifie notre note de groupe: 5,7/10.


Citation préférée du groupe:

« J’ai claudiqué souvent, mais il s’agit peut-être seulement de me tordre les chevilles, d’aligner mes genoux, mes chevilles et mes pieds pour arrêter de marcher à côté de moi, pour marcher dans mes propres pas. »

Crédit photo: Pedro Ruiz, Le Devoir

PAR:
Claudia Barabé
Chloé Leclerc
Jearim Lillo
Vanessa Huard-Zomorano

J’t’aime encore : douter de l’amour

Le 28 avril dernier avait lieu la représentation laboratoire du texte J’t’aime encore, ainsi que le lancement du livre éponyme écrit par Roxanne Bouchard, auteure de la région de Lanaudière. Aussi enseignante au Cégep régional de Lanaudière à Joliette en littérature, elle a déjà à son actif quatre romans : Whisky et Paraboles, La Gifle, Crématorium Circus, Nous étions le sel de la mer, ainsi qu’une correspondance avec un militaire canadien intitulée En terrain miné. Maintenant, elle publie une toute première pièce de théâtre.

Le texte de Bouchard est inspiré et joué par Marie-Joanne Boucher. Cette comédienne, connue du public québécois pour ses passages dans Virginie et Providence, dans lesquelles elle interprétait les rôles de Claudie et Marie-Ève, a rendu un vibrant hommage au texte de Bouchard. Un membre très important de ce trio gagnant qu’il ne faut surtout pas oublier : François Bernier. Metteur en scène de la pièce de théâtre J’t’aime encore, Bernier a fait un travail formidable en laissant de côté les fioritures et en mettant de l’avant la simplicité.

Crédit photo : Roxanne Bouchard

Crédit photo : Roxanne Bouchard

Lire ou jouer

Le début de la pièce a laissé le public un peu perplexe. Alors qu’il s’attend à une interprétation du texte, la comédienne annonce d’entrer de jeu qu’elle doit faire une lecture. Le texte qu’elle entreprend de lire est lourd et difficile à saisir : « Au troisième siècle avant Jésus-Christ, en Grèce, le philosophe et mathématicien Ératosthène est parvenu à mesurer partiellement le globe terrestre et à dresser une carte des régions habitées. Pour Ératosthène, cette île gigantesque, entourée d’un océan unique et occupée par l’humanité, c’était l’écoumène.» Cependant, bien rapidement, les choses changent et la comédienne nous emmène dans son univers.

Vient toujours, après un certain temps de vie conjugale, des doutes. Ce genre de doutes qui nous fait réfléchir, qui nous fait perdre de vue l’essentiel. Ces remises en question poussent certaines personnes à aller voir si le gazon est plus vert chez le voisin. Alors, nous avons besoin de nous souvenir. Nous souvenir pourquoi nous aimons tellement cette personne, pourquoi c’est avec elle que nous avons décidé de construire quelque chose de beau, quelque chose de fort. La pièce J’t’aime encore, de Roxanne Bouchard, met en scène une femme qui, arrivée à un point culminant de sa vie, se voit contrainte de faire face à ses doutes. Elle prend conscience, en se laissant aller au jeu de la séduction, qu’elle a toujours envie d’aimer.

Marie-Joanne Boucher a su passer un message puissant au public. Tous et chacun ont eu l’impression que l’histoire qu’elle racontait était ou pourrait être la sienne. Malgré le fait que le monologue s’inspire d’une femme dans la quarantaine ayant une 3768902_origfamille et une maison, les jeunes dans la vingtaine présents dans la salle pouvaient facilement se reconnaître dans ce personnage qui vacille entre responsabilités, amour et doutes.

Tout au long de la lecture, qui se transforme assez rapidement en réel jeu théâtral, l’actrice nous fait vivre des moments forts en émotions. On passe rapidement du rire à l’angoisse et parfois même à des moments émouvants. Le jeu et le texte ont même réussi à soutirer quelques larmes à certains spectateurs.

Minimalisme gagnant

Sur scène, on ne trouve qu’une chaise, un lutrin, une sacoche, une petite table ainsi qu’un bol à fruit. Les jeux de lumière sont simples, les effets sonores quasi inexistants. Ce côté minimaliste permet au texte d’être le centre de l’attention des spectateurs. De cette façon, notre regard n’est rivé que sur la comédienne, au lieu d’errer partout à observer les détails de la scénographie. Ce qui est d’autant plus intéressant avec ce genre de décor, c’est que la pièce peut être jouée dans n’importe quelle salle. C’est donc un plus pour les projets futurs de ce trio.

Par Laurianne Marion

Crédit photos de la pièce: Le Folkographe http://www.folktographe.com/b-l-o-g-u-e/previous/2

Mustang: un désir de liberté

Mustang est le premier long-métrage de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven. Sorti en 2015, le film connait un réel succès à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Il est par la suite choisi pour représenter la France aux Oscars, en 2016, dans la catégorie «Meilleur film en langue étrangère». Les 21 et 22 mars derniers, nous avons eu la chance de pouvoir assister à la représentation de ce long-métrage étranger au cinéma de Joliette, dans le cadre du ciné-répertoire.

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L’histoire prend cœur dans un petit village éloigné de Turquie, où des valeurs traditionnelles et ultraconservatrices règnent en maître. Là-bas vivent cinq jeunes sœurs adolescentes ayant été élevées, après la mort de leurs parents, par leur grand-mère et l’un des fils de cette dernière. Le jour où les vacances d’été débutent, Lale, douze ans, et ses quatre sœurs rentrent de l’école. Profitant de la chaleur du soleil et de la Mer Noire, elles s’amusent à la plage avec des garçons, grimpant sur leurs épaules pour se bagarrer dans l’eau. Mais ces jeux innocents font scandales chez les villageois aux idées conformistes, qui vont jusqu’à les percevoir comme obscènes et sexuels. Les conséquences sont alors énormes pour les filles. Séquestrées dans la maison familiale, qui devient une vraie prison, les cours de pratiques ménagères prendront la place de l’école, en vue de mariages arrangés.

     La réelle beauté de ce film, outre les paysages turques époustouflants, réside dans le message que tente de faire passer Deniz Gamze Ergüven. Vivant dans une société patriarcale où elles sont oppressées par leur statut de femmes, ces jeunes adolescentes luttent afin de conserver leur liberté et leur joie de vivre. Mustang cherche avant tout à raconter comment vit une femme dans la société turque contemporaine. L’esprit rebelle et contestataire des héroïnes démontre une jeunesse forte et progressiste, qui contraste avec les idées rétrogrades partagées dans le pays.

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Loin de se conforter dans un rôle de victimes, les cinq sœurs tentent sans cesse de contourner et de déjouer les limites imposées. Au milieu de leur situation difficile, elles trouvent du réconfort et du courage entre elles, à travers une relation complice et touchante. Que ce soit l’aînée, qui s’échappe par la fenêtre pour aller rejoindre son amoureux dans la nuit, ou la cadette, qui entraîne ses sœurs dans une folle aventure afin d’assister à un match de football, chacune désire échapper à l’emprisonnement qu’est désormais leur quotidien. On peut dire que le titre Mustang, qui fait référence au cheval sauvage, est bien choisi pour représenter ces femmes courageuses et indomptables.

Mustang a souvent été comparé à Virgin suicides, un film américain de Sophia Coppola qui met également en scène cinq sœurs adolescentes élevées dans une famille très stricte, et qui finissent par se donner la mort. On peut dire que Deniz Gamze Ergüven réussit, à l’aide de son art, à influencer les façons de penser des spectateurs, et par le fait même, à faire évoluer les mentalités.

Par Charlie Leclerc

Carol : Un amour à la mauvaise époque

Avec plus de trente ans d’existence, le ciné répertoire regroupe plusieurs dizaines d’adeptes, tous les lundis soir, à Joliette. À l’hiver 2016, une douzaine de films sont au rendez-vous. Parmi ceux-ci figure Carol, un film réalisé par Todd Haynes qui ne tombera pas aux oubliettes de sitôt.

Scénariste et acteur américain Todd Haynes connait le succès grâce à ses réalisations plus avant-gardistes les unes que les autres. Au cours de sa carrière, il s’est mérité plusieurs prix et nominations, entre autres pour Loin du paradis, sorti en 2002, qui a reçu quatre nominations aux Oscars. Toutefois, sa plus grande réalisation demeure sa plus récente, son adaptation cinématographique du roman Carol de Patricia Highsmith, publié en 1952. Carol est en nomination dans plus de cinq catégories au Festival de Cannes ainsi qu’au Golden Globes pour la meilleure réalisation, et il était à l’affiche au ciné répertoire les 15 et 16 février derniers.

C’est au coeur de la grande ville de New York, dans les carolannées 1950, que s’anime l’histoire de deux femmes vivant dans des mondes complètement opposés. Mettant en vedette Cate Blanchett et Ronney Mara dans les rôles respectifs de Carol Aird, une bourgeoise sophistiquée, ainsi que Thérère Belivet, une jeune femme à l’âge de l’innocence, Carol présente une histoire d’amour éphémère entre deux femmes à une époque très conservatrice.

Opposition
Si Carol peut être décrit comme étant un drame amoureux de haute qualité, c’est sans aucun doute grâce au jeu des deux actrices. Chacune d’elle porte une personnalité qui la définit. Carol est une femme mariée, elle est dépourvue lorsqu’elle prend conscience de son attirance envers les femmes, alors que Thérèse est une femme qui se découvre, qui cherche à connaître de nouvelles choses, qui veut expérimenter la vie.

Le film Carol illustre donc une opposition émotive importante. D’un côté, un amour assumé d’une femme qui sait ce qu’elle veut, de l’autre, un amour innocent qui cherche encore à se définir. Ce contraste frappant vient accentuer le thème de la différence, puisque déjà, les deux amantes vivent dans une époque où les relations des personnes de même sexe détonnent.

Ressemblances
Le film Carol se trouve d’ailleurs en parfaite harmonie avec le film d’Abdellatif Kechiche, La vie d’Adèle chapitres 1 & 2, sorti dans les cinémas en octobre 2013.

Adèle, quinze ans, est une jeune femme qui a toujours cru qu’une fille sortait avec un garçon, point à la ligne. Toutefois, il n’a fallu qu’une rencontre, celle avec Emma, pour bouleverser son monde et sa vision de l’amour.

Bien que la tranche d’âge soit différente du film d’Haynes, une des plus grandes similitudes entre les deux films est qu’un des deux personnages de la relation se cherche, expérimente, tente de trouver qui il est. Thérèse et Adèle ont beaucoup en commun sur ce point, car toutes deux découvrent l’amour sous un nouvel angle.

De plus, les deux relations ne sont pas dévoilées au grand jour, mais soupçonnées par quelques-uns de leurs pairs. Dans la réalisation de Haynes, c’est l’époque qui se veut conservatrice, tandis que, dans celle de Kechiche, c’est l’entourage des filles, à l’école, qui fait qu’il est difficile d’assumer pleinement la relation.

Somme toute, Carol est un film provocateur, déchirant, mais surtout très touchant. Un film à apprécier pour sa grandeur et pour la pureté des sentiments qu’éprouvent les deux femmes l’une pour l’autre.

Par Amélie Robillard

D’Artagnan et les mousquetaires

Mettre l’histoire en mémoire

Les histoires font partie de notre quotidien. Il est facile de dire que le monde tourne autour d’histoires. Elles forgent les rêves des gens. Le théâtre est un moyen pour ces histoires de vivre à travers les comédiens et les interprétations. Le mardi, 16 février dernier, dans la salle Hector-Charland, la très célèbre œuvre d’Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, a transcendé les siècles pour, une fois de plus, prendre vie sur la scène.  

Adaptée par Frédéric Bélanger, la pièce, intitulée D’Artagnan et les trois mousquetaires, raconte le récit de l’arrivée rocambolesque de d’Artagnan à Paris. Il y fera la rencontre de trois braves mousquetaires, Athos, Aramis et Porthos. Ensemble, les quatre partenaires tenteront de contrer les plans du sinistre Cardinal de Richelieu et de deviner qui est la mystérieuse femme au service de ce dernier.

 

Entrer dans la foule

Au théâtre, l’interprétation de la pièce est très importante. La troupe Advienne que Pourra a décidé d’exploiter un aspect qui n’est pas souvent utilisé : le bris du 4e mur. Ainsi, les acteurs ont occupé non seulement l’espace scénique, mais également le reste de la salle, où se trouvait l’auditoire, permettant au public de dartagnan_111participer plus activement au spectacle. Donnant parfois un air dramatique au jeu, avec les apparitions des gardes du Cardinal un peu partout dans la salle, cette astuce a aussi su faire rire plusieurs spectateurs avec le personnage de Planchet et de ses fameux environs.

Cependant, bien qu’amusante et intéressante à exploiter, cette initiative n’est peut-être pas à utiliser n’importe quand. Il y a eu quelques débordements, certains comédiens sortant de leur personnage pour passer des remarques inutiles, bien que drôles. Cela donnait l’impression que la pièce avait été adaptée pour un public adolescent.

En ce qui a trait au jeu des acteurs, on note quelques faiblesses.

Le Cardinal de Richelieu, par exemple, est l’un des personnages les plus importants de cette histoire et doit dégager un air hautain pour être respecté de tous, par la peur qu’il inspire. Il est sans nul doute, dans l’histoire, l’homme le plus puissant de France. Cependant, bien que le comédien (Claude Tremblay) ait joué à merveille ce rôle, il est difficile de ne pas remarquer la petite taille de celui-ci, ce qui ne semble pas incarner très bien le personnage du Cardinal. Autre exemple, le personnage du duc de Buckingham comportait également quelques incohérences. Ce duc était le Premier ministre d’Angleterre, et le comédien qui jouait ce rôle utilisait parfois des expressions anglaises, mais, la plupart du temps, il avait un accent qui faisait plutôt français international. Il aurait fallu être cohérent dans l’interprétation du personnage, soit jouer toujours avec un accent anglais, soit sans accent.

Pour ce qui est du Roi Louis XIII, le comédien (Philippe Robert) interprétait sans difficultés l’un des plus anciens cas d’«enfant-roi»: un homme à qui la France revient de droit, mais qui ne possède aucune capacité à bien gouverner, préférant vivre dans l’enfance et piquer une crise si cela ne se passe pas comme il le souhaite. On peut d’ailleurs voir une différence entre la pièce montée par le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) et celle interprétée le 16 février à l’Assomption. Au TNM, le personnage du roi donnait aussi l’impression d’un enfant, cependant on y voyait un gamin enjoué et surexcité et non un enfant gâté. Dans les deux cas, une chose est claire : la France est aux mains d’un jeune homme immature.

De l’ombre à la lumière

Les autres aspects intéressants concernent la technique. Le jeu de lumière était important, il en disait long sur certains personnages et il était facile d’y voir des métaphores fort intéressantes. Lorsque la reine Anne entrait en scène, par exemple, l’éclairage était beaucoup plus prononcé, illuminait les planches. On peut y voir une signification de la bonté d’âme de la reine puisqu’elle était baignée dans la lumière. Au contraire de celle-ci, lorsque le Cardinal entrait, l’éclairage était plus sombre, tamisé même. Cela peut représenter la personnalité ténébreuse et dangereuse de l’homme qui tire les ficelles dans l’ombre.dartagnan_121

Un effet lumineux particulier était en lien avec Milady de Winter, comparse du Cardinal et condamnée à la peine de mort par les mousquetaires. À la fin, elle s’est avancée vers la lumière comme certains avancent vers leur mort, se résignant à accepter son sort. D’une certaine manière, sa mort montre aussi son passage de l’ombre à la lumière puisqu’à la fin, ses actes sont pardonnés par les mousquetaires.

D’Artagnan et les trois mousquetaires est une pièce qui a probablement comblé les attentes du public lors de la présentation au théâtre Hector-Charland. La troupe a su présenter à l’auditoire une interprétation agréable de cette histoire mythique pour le grand plaisir de tous. Dans un Québec contemporain, il est toujours plaisant de retourner aux sources de la littérature française qui a influencé la littérature québécoise. Il est aussi bon de se rappeler que ce sont les plus vieux écrits qui nous font le plus rêver. Revoir ce classique en tant qu’adulte est un peu comme retrouver cet enfant intérieur en nous qui se rappelle d’innombrables combats à l’épée.

La troupe de théâtre Advienne que Pourra aime particulièrement jouer de grands classiques. D’Artagnan et les trois mousquetaires en est un bon exemple.

 

Par Mei-Han St-Louis

Crédit photo: Juno photo

Pour en savoir plus sur la pièce : http://theatreaqp.com/2015/11/23/dartagnan-et-les-trois-mousquetaires/

Pour en savoir plus sur la troupe : http://theatreaqp.com/

 

Sèxe Illégal: succès non-assuré

Depuis 2009, Le Balthazar, un bar situé au cœur de Joliette, se démarque par sa grande variété de bières artisanales, son ambiance urbaine et ses constantes innovations. Ateliers de création, épicerie fine, dégustations de produits locaux, décidément, l’endroit a tout pour attirer une clientèle des plus diversifiées. De plus, Le Balthazar a intégré à son calendrier une gamme d’événements qui ont lieu en soirée, une semaine sur deux. On peut assister aux «Mardis jeux de société», aux «Dimanches d’impro» ou encore, aux «Mercredis de l’humour».24fev_fb

Le mercredi 24 février dernier, le bar accueillait le duo d’humoristes Sèxe Illégal, composé de Paul Sèxe et de Tony Légal, qui se sont donné pour mission de s’exprimer librement à travers la chanson. Les deux artistes à l’humour parfois provoquant, souvent insignifiant, ont offert une prestation plus ou moins divertissante.

Ambiance agréable

Les lumières tamisées et le côté intime de l’endroit créaient une atmosphère des plus agréables. La salle fut d’abord réchauffée par un jeune animateur et improvisateur, Jonathan Moreau-Cormier. Son numéro consistait à sélectionner quelques personnes dans l’assistance et à leur poser des questions, auxquelles il répondait par une réplique qui se voulait assassine. Sa courte prestation, quoiqu’un peu boiteuse, était une bonne introduction au spectacle de Sèxe Illégal.

Sitôt ce numéro terminé, les deux humoristes sont montés sur scène, vêtus de complets-cravates ringards et adoptant chacun un langage et une voix caricaturés. Alors qu’on pouvait les entendre marmonner entre eux, que le son de leurs micros et de leurs instruments n’étaient pas de bonne qualité, une panne d’électricité est survenue. Plutôt ironique! Le spectacle a dû se dérouler à la lueur des chandelles, sans micros et au son de la guitare acoustique. Contraints d’oublier leur musique électro, le duo s’est contenté d’interpréter plusieurs chansons tirées de leurs albums précédents, une collection qui en compte près d’une quinzaine.

Humour douteux

On a eu droit à une gamme de chansons, telles que Luc ou Bernard, Longueil calice, ou encore des reprises ironiques de succès populaires, comme Livin’ la vie d’holocauste, chantée sur l’air de Livin’ la vida loca, de Ricky Martin.  Les paroles, comiques et simples, ont réussi à accrocher des sourires et à susciter quelques rires. C’est toutefois le langage corporel absurde du duo qui volait la vedette, Tony Légal n’hésitant pas à déboutonner sa chemise et à danser d’une manière assumée et ridicule.si_header

Bien que le spectacle dans son ensemble ait été agréable, une faiblesse persistait : la monotonie. La recherche, autant au niveau des textes, de la musique que des chorégraphies, était incomplète. Tout était répétitif et rapidement lassant. Par exemple, la chanson Luc ou Bernard était constituée de trois couplets, dont deux composés ainsi : «Tu bandes mou, tu bandes mou, osti qu’tu bandes mou, tu bandes mou».

Malgré tout, la thématique instaurée par Le Balthazar demeure un succès, et ce à moindre coût. Dans une ville comme Joliette, les endroits qui offrent des activités diversifiées et qui rejoignent sur semaine un large public sont rares. Les événements tels les «Mercredis de l’humour» amènent une touche de dynamisme dans la région et ouvrent la porte à l’initiative et à la nouveauté.

Que l’on soit satisfait ou non du spectacle, la soirée, dans l’ensemble, ne peut qu’être plaisante.

 

Par Rosalie Généreux

Crédits photo: Le Balthazar de Joliette et L’Écho de la Rive-Nord